Je confirme, il n’y a pas eu de newsletter la semaine dernière et pour être très honnête on était pas loin de ne pas en avoir non plus celle-ci. Lorsque j’ai repris cette écriture un peu hors les murs, je l’ai fait pour retrouver le plaisir de n’être lue que par vous, sans obligation de contenu, de cohérence scénaristique, de dialogues au cordeau. Eprouver à nouveau ce petit frisson lors de l’envoi, vous imaginer découvrir mes mots, sourire ou être ému.es. Me prendre pour Carrie Bradshaw, l’héroïne de mes 30 ans, mon fantasme absolu non pas parce qu’elle portait des stilettos Manolo Blahnik mais parce qu’elle possédait un Mac book et qu’elle semblait gagner de l’argent en écrivant des chroniques pour le New-York Times. Tout ça depuis son minuscule appartement dans Chelsea.
Tout ça pour dire que lorsque le week-end dernier j’ai senti poindre une légère angoisse à l’idée de mon absence totale de sujet pour la newsletter de la semaine, j’ai vite décidé de ne surtout pas céder à la contrainte. Parce que cette lettre doit rester cette “safe place” comme on dit aujourd’hui, cet endroit où je ne me sens obligée de rien. Pas question d’écrire pour ne rien dire.
Problème. Rebelote ce dimanche, pas vraiment d’inspiration.
Et là, c’est la perspective de mon dilettantisme qui m’a effrayée. Je la connais la chanson. Je loupe un cours de danse à 7 ans et finalement je déclare forfait (pour le bien de la discipline très certainement). Je sèche une séance de tennis à 10 ans et je n’y retourne jamais (idem, je pense que personne ne m’a regrettée). Je vais deux fois au yoga à 30 ans puis tchao, namaste mon cul. Et j’en passe. La liste de ce que j’ai abandonné est bien plus longue que celle des choses auxquelles je me suis vraiment tenue. Et si dans le lot il y avait surtout des activités pas vraiment adaptées à mes capacités physiques ou musicales (il y a aussi eu bien évidemment un essai avorté à la guitare ainsi qu’au piano), je pense qu’avec un peu de persévérance, je serais aujourd’hui reconnue dans le milieu de la danse africaine (non). Ce que je veux dire, c’est qu’il faut parfois trouver le juste équilibre, entre un acharnement inutile et un renoncement un peu trop précipité. Que bien sûr l’effort permanent peut signifier qu’on est trop loin de sa zone de confort, mais que de temps en temps, s’accrocher permet de mettre en route une habitude dont on finit par avoir du mal à se passer.
En l’occurrence, si je ne me suis fixé aucun objectif en écrivant ici, j’aime l’idée d’une certaine régularité, ne serait-ce que pour garder ce lien précieux avec vous, perdu puis retrouvé depuis quelques semaines. Bref, vous avez eu chaud (oui enfin je me comprends, tout le monde s’en serait remis) parce que je ne fonctionne donc que comme ça, tout ou rien et pas grand chose entre les deux.
Voilà, j’ai donc pris mon clavier en cette fin de week-end sans la moindre idée de ce que j’allais taper et dieu merci, j’ai une grande capacité à meubler. Mais peu importe, vous aurez un mail lundi matin, écrit avec le poids de l’adorable tête de ma petite dernière sur mon épaule, lisant avec délice le tome 1 des Chroniques de San Francisco et m’interrompant de temps à autre pour me lire une phrase bien sentie de madame Madrigal, qu’elle a immédiatement adorée. Ce qui je crois pourrait suffire à mon bonheur. Quoi de plus merveilleux en réalité que d’assister en direct à un coup de foudre de lecture, quand en plus on a soi même tant aimé tourner les pages de ce livre ? De temps à autre, je lui demande où elle en est et sa réponse vient réveiller mes souvenirs enfouis, ceux d’un vieux canapé bleu défoncé rue de Charonne, dans lequel je couvais son frère et sa soeur bien trop pressés de sortir, patientant en dévorant tous les tomes des chroniques d’Armistead Maupin. C’est à la fois cette grossesse allongée et l’histoire de Mary-Ann qui me reviennent, les deux étant entremêlées pour toujours. Et ça m’émeut au delà du raisonnable d’imaginer le plaisir qu’elle aura elle aussi chapitre après chapitre, et les souvenirs qu’elle se construit en ce moment même, lovée contre moi.
A part ça, sur les quais de Seine, entre Jussieu et la cité de la mode, en ce dimanche aux parfums de printemps, des couples dansaient le tango. Ils étaient jeunes, vieux, sapés comme jamais ou mal fagotés, mais il émanait de tous une telle beauté que j’en ai pleuré.
Bonne semaine.
PS: J’attends chaque semaine avec impatience un nouvel épisode de The Last of us. C’est à peu près l’inverse de tout ce que j’aime en série (je suis assez peu sensible à tout ce qui relève du jeu vidéo, de la science fiction ou de l’anticipation) mais c’est si bien écrit, filmé et joué que je suis totalement accro. C’est une production HBO et c’est sur Amazon prime.
Merci de ta persévérance car j'ai lu ta chronique avec un immense plaisir. Le bonheur de la transmission de certaines lectures, musiques, découvertes à sa progéniture m'émeut également comme les danseurs de tango que j'ai vu dans ta story Insta ❤️. Bonne semaine Caro/Carrie
Moi ça me va bien ta façon meubler ,.mais ça me va aussi que te donnes la liberté de ne pas écrire "contrainte et forcée". L'arrivée du billet suivant n'en est que meilleure. Joie de te retrouver. Merci de lien renouvelé grâce à cette newsletter !