Oui alors je sais, je suis en retard. Mais figurez-vous qu’on vit des choses compliquées ici.
Déjà, on a changé d’heure et personne ne nous avait rien dit. Etant donné que depuis presque une semaine maintenant, nous sommes totalement infantilisés sur ce bateau, ça a suffi à nous perturber pour la journée. Ah je peux vous dire qu’au réveil, les conversations étaient animées ! Quelle rigolade tout de même, certains s’étaient réveillés à 1h persuadés qu’il était 2h, d’autres croyaient s’être couchés tôt alors que pas du tout, personnellement je ne comprenais vraiment pas pourquoi le soleil était déjà si haut à 7h alors que la veille il émergeait tout juste.
Comme vous pouvez le constater, on surmonte les obstacles avec humour. On a fini par prendre notre petit déjeuner et après une dizaines de crêpes égyptiennes, tout le monde se foutait de l’heure qu’il était.
A part ça, en vrac, hier était une journée de navigation. Nous avons traversé des zones plus désertiques hallucinantes, des temples creusés dans la roche, des forêts de palmiers gigantesques. Je voudrais rester pour toujours sur ce pont, hésitant entre poursuivre mon livre ou boire les paysages jusqu’à plus soif. Même la chaleur harassante ne me dérange plus (on se fait à toutes les épreuves en réalité).
Puis le soir, nous sommes partis visiter le sublime temple de Kom Obo. Et avons découvert par la même occasion l’enfer du tourisme de masse (bien sûr, tels des héros odieux d’Agatha Christie, nous ne nous sommes pas inclus dans ces « gens », vu que nous sommes de l’élite du Steamship Sudan) (malheureusement je crois que je ne suis plus de gauche).
Il fallait nous voir, telles des brebis égarées et terrifiées, noyées dans la foule après une semaine à croire que nous étions les seuls visiteurs d’Egypte. On est retournés à la matrice au pas de course en se tenant la main et en criant « maison » une fois à bord. Je plaisante mais à moitié. Je savais que ce voyage était celui de sales privilégiés (vu qu’il a m’a coûté les études de la petite dernière, condamnée à aller à la fac, sorry ma biche) mais les gigantesques paquebots qui crachent une fumée noire et vomissent des centaines de personnes à l’air épuisé est une expérience très différente de celle que nous vivons. Si certains d’entre vous souhaitent faire ce périple, je conseillerais plutôt de se tourner vers les Dayabahei (orthographe approximative), moins onéreuses que le Sudan mais beaucoup plus intimes et « slow Life » que ces énormes machines. Ceci étant dit, une fois dessus j’imagine que l’on profite tout aussi bien de la vue sur les berges et qu’il doit être possible de trouver des endroits calmes pour y bouquiner. Mais je reconnais prendre goût au luxe de cette croisière à vapeur et à pas de sénateur. Je sais, c’est moche.
Quoi qu’il en soit, Ali a finir par remettre tout le monde d’aplomb après qu’on ait geint à tour de rôle sur la foule qui nous empêchait de profiter, en nous expliquant que si pour nous c’était désagréable, lui espérait qu’il y en ait encore plus tant l’inflation est en train de tuer le pays. Dis donc d’un coup, on a relativisé nos problèmes (on avait pas encore changé d’heure, d’où cette capacité de résilience). Et heureusement qu’on a eu cette force parce qu’ensuite on a perdu nos deux suisses. Pensant qu’on était devant, ils ont avancé sans nous et se sont mis sans s’en rendre compte dans un autre groupe. Ali était en PLS, le groupe a fait l’erreur de se scinder en deux pour tenter de les retrouver (on est devenu une famille, on laisse pas André et Jocelyne dans un coin). Evidemment, une fois les deux fuyards récupérés - et pas plus perturbés que ça - (c’est des suisses, ils étaient davantage contrariés que le départ ait eu lieu à 19h alors qu’il était écrit 18h45 sur la feuille de route), on avait perdu la moitié de nos effectifs. Je peux vous dire qu’on a bien dormi ensuite, après toutes ces émotions.
Sinon le groupe vit désormais plus que bien. Insidieusement, perfidement, nous avons planté la graine de la médisance et maintenant tout le monde déteste Mr et Mme 49.3,, qui d’ailleurs s’appellent officiellement comme ça. Il est temps que ça se termine, notre vrai visage de langues de pute est sur le point d’être démasqué.
Il n’empêche que comme on était, oui, utilisons les vrais mots, traumatisés par cette visite mouvementée, nous en avons parlé au capitaine, qui nous a proposé de la refaire à l’aube en tout petit comité. Vous savez quoi ? Je n’aurais jamais eu l’idée de demander ça mais je crois que je vais devenir une emmerdeuse parce que résultat, on a eu le temple pour nous (que notre groupe vu qu’on aime pas les autres gens du bateau) ce matin et c’était à proprement parler magique. Y’a-t-il une morale dans cette histoire ? Je crains que non, ou alors elle n’est pas jolie jolie. Ah cela dit, j’ai fini par me flanquer par terre au beau milieu des hiéroglyphes. Un vol plané de toute beauté, parmi les plus ridicules de mon existence. Je me suis bien sûr relevé instantanément en disant que tout allait très bien. Alors que j’ai sans doute laissé une cheville à Kom Obo. Tout le monde est catastrophé par l’allure de mon pied et ne cesse de s’écrier depuis ce matin qu’il est horriblement enflé. Je n’ose pas leur expliquer que c’est essentiellement de la rétention d’eau et que ma cheville ressemble à ça même quand elle n’est pas tordue, du coup je feins de souffrir et accepte les massages à l’arnica de Marie-Paule, ma nouvelle meilleure amie.
Vous savez quoi ? Je crois que je l’ai pas volé.
Égoïstement, j’aimerais bien que tu refasses un autre voyage, quelque soit le prix. Je sais, c’est facile lorsqu’on ouvre pas son porte-monnaie. Un délice à lire.
Certes tu nous fais rire , mais il y a tant de vérités derrière ce que tu écris surtout ne change pas.
Mais quel bonheur de te lire ! Je le demande combien de personnes rient toutes seules de grand matin ! Formidable voyage ! Tout y est!
Manque le bal du commandant !! A venir?
Bises à vous deux 😘