Ça part bien en sucette ce rythme hebdomadaire hein. Je n’ai aucune circonstance atténuante si ce n’est une fatigue qui a duré après la fin de ce dernier covid et du boulot en retard. Et puis ma fille aînée est venue à Paris et ça n’arrive pas très souvent depuis qu’elle vit à Lyon.
C’est étrange tout de même, de s’habituer à ne plus vivre ensemble au quotidien. L’autre soir, nous étions cinq à table, ce qui est désormais rarissime et j’ai eu un mélange de coeur serré et de joie. Joie de retrouver le bruit des bavardages, la légère tension qui précède une engueulade fratricide qui d’ailleurs ne s’est pas produite, les rires qui fusent, le bordel qui revient dans le salon comme s’il suffisait que la fratrie soit au complet pour que tout le monde décide de laisser trainer à nouveau toutes ses affaires, les tractations pour obtenir une place à table qui fut celle de l’un et maintenant de l’autre. Coeur serré de me dire que ces instants seront toujours exceptionnels maintenant. Mais je crois que la joie l’a emporté. D’autant plus qu’elle n’a pas toujours été présente, cette joie, ces derniers mois.
Sans entrer dans les détails, la légèreté qui nous faisait défaut depuis deux ans revient peu à peu. Et si je ne souhaite pas, encore une fois, raconter ce qui ne m’appartient pas, j’aimerais vous dire, à vous qui peut-être traversez une tempête, que le temps passant, ça s’arrange. Pas de manière spectaculaire, mais doucement, l’air de rien, peu à peu, le ciel s’éclaircit. Et je vais enfoncer une porte ouverte sans doute, mais on se surprend alors à apprécier ce qu’on croyait jusque là totalement acquis. Ça n’empêche pas de continuer à s’en faire pour des conneries, à se mettre la rate au court bouillon pour des dialogues qu’on n’arrive pas à écrire comme on le voudrait ou la météo qui s’annonce bien naze la semaine prochaine dans le sud alors qu’on se la rêve cette semaine de vacances et que soudainement, le réchauffement climatique on s’en bat la nouille, on veut juste du soleil merci et au-revoir.
Non, les épreuves ne rendent globalement pas plus sages, ni plus forts. Je dirais même qu’on s’en passerait bien. Mais si elles ont un aspect positif, c’est sans doute celui-ci, de nous rendre plus perméable aux petites joies du quotidien.
Voilà, à part ça, j’ai terminé un bouquin dont tout le monde parle en ce moment, “La chair est triste, hélas”, d’Ovidie. Un essai sur la grève du sexe qu’a entreprise l’autrice depuis quatre ans et les raisons qui l’ont amenée à ce constat sans appel: les relations hétéro-sexuelles ne sont, selon elle, pas viables ni vectrices de plaisir ou de bonheur. Je ne dirais pas que j’adhère à tout le discours, d’autant que j’ai noté une certaine contradiction dans ses propos. Tout en déplorant la façon dont les femmes ne sont finalement perçues par les hommes que comme des trous à remplir (je synthétise) qui se périment à partir d’un certain âge, Ovidie a souvent à coeur de préciser qu’elle fait la grève du sexe alors qu’elle plait encore ou à donner en exemple d’autres congénères qui font de même “alors qu’elles ne sont ni moches ni vieilles”. J’ai trouvé ça dommage d’avoir besoin de préciser ça, comme si les moches ou les vieilles n’étaient pas 1) désirables et 2) en droit elles aussi de décréter qu’elles ne veulent plus d’hommes. Je ne sais pas si je m’exprime bien parce que je ne suis pas vraiment certaine de mettre le doigt sur ce qui me gêne, mais en gros, cette objectivation de la femme qui est vivement critiquée dans le livre, semble ne concerner pour Ovidie que les femmes “baisables”. Ce qui revient donc à cautionner l’idée que d’autres ne le seraient pas. Alors que guess what, les moches aussi sont baisées et parfois mal, les vieilles aussi.
Mais en réalité, je parle de ce qui ne m’a pas plu dans ces écrits, alors que beaucoup de passages ont résonné en moi comme ils résonneront à n’en pas douter chez pas mal d’entre vous. Tout ce qu’on fait nous les femmes pour rester des cibles potentielles, toutes les compromissions qu’on accepte pour ne pas blesser l’égo des hommes, ces relations qu’on a vécues sans conscientiser sur le moment qu’elles n’étaient pas spécialement consenties, juste pour s’en débarrasser le plus vite possible et avoir la paix. Toutes ces contraintes qu’on s’inflige, des talons hauts aux épilations des sillons inter fessiers, pour rester le plus longtemps possible dans le cheptel des filles qu’on peut avoir envie de sauter. Et tout ça pour quoi finalement, quelques orgasmes qu’on peut s’offrir seules ou l’illusion qu’on a besoin des hommes.
Ça a résonné et en même temps non, parce que malgré tout, je ne me sens pas en guerre et que je continue, à tort peut-être, à croire au couple qui dure, à l’amour et à la chair qui parfois est joyeuse. Et puis je ne me suis pas tout le temps reconnue non plus, n’ayant pas vraiment 1) multiplié les expériences malheureuses et 2) eu la sensation de souffrir réellement de ma condition de femme, peut-être parce que je ne me suis jamais fondamentalement “sentie femme”, au sens où j’ai eu la chance d’être élevée par une mère qui ne m’a jamais laissé penser que quoi que ce soit ne serait pas à ma portée faute de pénis. Ou peut-être que tout simplement j’appartiens à la catégorie de celles qui ne sont pas concernées selon Ovidie. Moche peut-être pas tout le temps, banale, sûrement. Vieille, chaque jour un peu plus, malheureusement.
Mais c’est écrit au cordeau et ça donne matière à penser. Et ça risque potentiellement de créer quelques remous dans les foyers. Peut-être même que si les hommes la lisent, les lignes bougeront un peu.
Voilà, encore une lettre bien structurée, à la thématique clairement identifiable. En vous remerciant.
PS: une série que je vous recommande chaudement: The Diplomat, avec la merveilleuse Kerri Russel (The Americans). L’histoire d’une ambassadrice américaine à Londres, pressentie pour remplacer la Vice-présidente des Etats-Unis, qui avant d’avoir le poste doit déminer une situation explosive entre l’Iran, le Royaume-Uni et la Russie. C’est écrit par une des scénaristes de “The West wing” et c’est brillant.
Je ne sais pas si ça me donne envie de lire ce bouquin ce que tu en as perçu.
Ce qui me gêne dans certains livres sur le féminisme c’est que l’expérience de l’une soit érigée en généralité pour les autres… Les bouquins que j’ai préférés sur le sujet sont de Mona Chollet. Ultra documentés et avec une réflexion globale.
Sinon, perso en vieillissant, ça me soulage de ne plus être une cible potentielle, tout ce que je souhaite c’est être une belle femme de mon âge (et ça c’est pour l’ego !). Belle semaine à toi et à toutes <3
Ce qui résonne en moi, ce sont vos mots sur une certaine légèreté qui revient après la tempête... Cela me parle énormément et me touche profondément. Bonne semaine et à bientôt :-)