Il fut un temps où la ménopause était un mot qu’on prononçait à voix basse, un peu comme “poux”, “hémorroïdes” ou “pertes blanches”. Après des années à cacher nos règles (bah, sale, impure, sorcière), il ne fallait surtout pas avouer qu’on les avait plus (bah, vieille, stérile, bonne à la casse).
J’ai l’impression que ça a changé, un peu. C’est devenu un sujet de comédie - moi même j’use et j’abuse de ce running gag sur le fait que je n’ai pas eu froid depuis environ 23 mois sans que ça n’ait aucun rapport avec le réchauffement climatique - et sans doute aussi un sujet qui fait vendre parce que guess what: on est de plus en plus nombreuses et qu’en plus de ne plus avoir nos règles, donc, on a de l’argent à dépenser.
Je trouve ça super et j’espère que ça va continuer parce que merde, il nous reste quand même quelques années à vivre et s’il est possible que ça ne soit pas dans la honte, tant mieux. Mais ceci étant dit, de la même façon que le body positive m’a assez vite gonflée (“c’est génial d’être grosse”) (non) (surtout quand c’est dit par des filles qui font un petit 40 et qui vous expliquent qu’elles le vivent bien et qu’elles osent le montrer, “regardez mon bourrelet, si, là, mais si, enfin !”), les discours sur le quinqua power et comment c’est génial de vieillir me hérissent un peu aussi.
On est entre nous et on se dit tout hein. Non, c’est pas génial. Pas forcément pour les raisons qu’on imagine d’ailleurs. Personnellement, à part ce petit dérèglement de mon thermostat intérieur, je n’ai pas grand chose à déclarer en terme de symptômes. Mais oui, on sent quand même clairement qu’on est davantage du côté de la descente que de l’ascension. Et toutes les injections de Botox ou autre acide hyaluronique n’y peuvent rien. Je me souviens avoir souvent entendu, “ce qui est fou quand on vieillit, c’est que dans nos têtes on est la même, du coup quand on se regarde, on en prend un coup”.
Bah je sais pas en fait, moi ça n’est pas tellement ce que je ressens. Justement, je trouve qu’on est plus tout à fait pareille. Pour le pire et le meilleur. On ne s’enthousiasme pas pour les mêmes choses, on se fait chier dans les bars, (en vrai avant aussi mais on osait pas le dire), on trouve que les transats sur la plage c’est quand même plus confortable qu’une fouta (oui ça aussi, avant également mais on osait pas le dire), on est plus si fan de la pénétration (hum, ok, ok, je vous vois venir). D’accord, en réalité on est exactement pareilles, c’est juste qu’on s’avoue plus les choses.
Je trouve que le plus difficile, ça n’est pas d’être devenue “invisible”, comme c’est souvent déploré. Par invisible évidemment, entendez “on n’est plus regardée avec désir par les hommes”. Ce qui n’est pas faux hein. Mais est-ce réellement un problème ? Alors certes, je n’ai jamais été de celles qui passaient leur temps à décliner les propositions de baise impromptue et généralement, quand un homme m’arrêtait dans la rue c’était soit pour me demander de l’argent, soit pour me signifier que 1) ma jupe était rentrée dans ma culotte, 2) j’avais laissé tomber ma carte bleue, 3) me proposer un test gratuit de personnalité (et par la suite une carte de membre de l’Eglise de scientologie). Du coup mon quotidien n’est pas vraiment impacté, si ce n’est je trouve qu’il y a moins de scientologues à Paris qu’avant et que je mets moins de jupes.
Mais je suis totalement sincère, promis, ne plus être vraiment “genrée” - parce que c’est un peu de ça qu’il s’agit - est plutôt un avantage, je trouve. On se débarrasse d’un poids considérable, on va à l’essentiel dans les relations, qu’elles soient personnelles ou professionnelles. Le fait que l’autre ne puisse pas imaginer une seconde qu’on soit en train de le draguer est particulièrement reposant (oui, bon, parfois aussi un peu vexant mais ça passe). Et on ne se demande plus si on nous apprécie pour notre cul (question que je ne me suis encore une fois pas souvent posée mais j’essaie d’être universelle dans cette newsletter, je vous le rappelle, et je ne doute pas que vous êtes nombreux.s.es à vous l’être posée).
Personnellement je n’ai jamais eu autant de relations amicales et/ou professionnelles apaisées avec des hommes qu’aujourd’hui. Souvent plus jeunes que moi d’ailleurs. Et le fait qu’il n’y ait aucune ambiguïté y est pour beaucoup. Est-ce qu’on est immunisée du coup contre toute forme de machisme ? Evidemment que non, pour certains on est de fait encore moins digne d’attention, mais est-ce qu’on a vraiment envie de s’entourer de ceux là ?
C’est pour ça d’ailleurs que je savoure aussi et surtout la compagnie de femmes de mon âge, ayant laissé derrière elles justement cette obligation quasi sociale de devoir minauder. Il y a chez elles (et donc chez moi peut-être aussi ?) quelque chose d’extrêmement réjouissant, une ambition qu’elles ne s’efforcent plus de cacher de peur de passer pour des castratrices. Entre nous, “on se sait” et on se jalouse moins j’ai l’impression.
Est-ce que ça veut dire qu’après 50 ans, plus rien n’est sexuel et que la séduction n’existe plus ? Je ne pense pas. Je suis même sûre du contraire.
Ma psy me disait souvent, “tout est sexuel”. Dans le sens où tout désir est le fruit d’une pulsion. Qu’il s’agisse de cette volonté de charmer untel ou unetelle, de danser, de boire un verre, de profiter d’une baignade dans la mer ou même d’écrire une newsletter. Bon parfois on a juste envie de faire l’amour hein, aussi. Mais peut-être pas autant, pas de la même façon qu’avant. Ce sont ces ajustements qui sont délicats à faire, ce deuil de certains désirs et la découverte d’autres, moins avouables comme par exemple kiffer de guetter les premières fleurs d’un mimosa, ce qui de loin pourrait passer pour un premier signe de dépression ou de sénilité. (Alors que vous auriez un mimosa en forme comme le mien franchement, vous seriez hystériques).
Je ne sais plus trop à vrai dire ce que je voulais démontrer et alors que je pensais pour une fois vous écrire quelque chose de très structuré (j’ai fait sciences po), c’est carrément incompréhensible. Ce qui tendrait à confirmer qu’en réalité il n’y a pas que physiquement que ça se casse la gueule.
Essayons une synthèse: non, passer de l’autre côté et découvrir cette terre aride (oui y’a ça aussi) et pelée qu’est la vie de ménopausée, ça n’est pas si anodin et tous les articles clamant que 50 est le nouveau 40 n’y changeront rien. Et oui, les femmes après un certain âge deviennent souvent invisibles si être visible signifie baisables. Mais non, ça n’est pas la fin de tout pour autant et par moment, c’est même une libération.
Mais le plus important de tout, ce qui permet de continuer la fleur au fusil, c’est de garder le désir. Et ça n’est pas toujours chose aisée, quand tout est fait quand même pour nous ramener à cette condition de femme périmée. Mais je crois que finalement, ce qui nous est offert à ce stade de notre vie, c’est la possibilité de développer le désir de soi même. De ne plus attendre le regard de l’autre pour juger de notre valeur. De ne plus conditionner notre plaisir à celui de notre partenaire et ne jamais louper une occasion de jouir, quelle que soit la façon dont on y parvient. (et si ça implique un mimosa qui suis-je pour vous juger). Et honnêtement, je crois qu’on ne devrait pas attendre d’avoir 50 ans pour être dans cet état d’esprit.
Voilà, sinon, je voulais vous remercier pour vos mots innombrables, vos inscriptions à cette lettre et pour votre amour qui vaut tous les regards libidineux.
Et parce que c’est la tradition (oui bon je l’ai fait une fois du coup, bam, TRADITION), je vous conseille de regarder la série “Trying” sur Apple TV, un bonbon anglais doux amer comme je les aime. Et dans un tout autre registre, de lire “V13” d’Emmanuel Carrère, une compilation de ses chroniques écrites pour L’Obs lors du procès des attentats de Novembre 2015. C’est brillant, bouleversant, ça interroge et ça fait avancer. Et n’est-ce pas tout ce qu’on désire justement, avancer ? (entre deux bouffées de chaleur).
PS: J’ai découvert qu’on pouvait aussi enregistrer la newsletter et du coup, re-bam, j’ai tenté. C’est pas d’une qualité de ouf et je lis un peu trop. Vous me direz si ça sert à quelque chose ou si vous préférez de toute façon l’écrit. Qui restera quoi qu’il arrive évidemment.
Il n’y a, en effet, pas que la pénétration dans la vie
Retrouver le plaisir de te lire comme celui de ton blog depuis quasi sa création ! Merci pour tes mots, ma ménopause est passée depuis pas mal d’années mais je me retrouve dans presque tout ce que tu dis : l’amitié (et je me suis fait plein de nouvelles amies, oui c’est possible), le désir, le mimosa et même l’invisibilité! Je l’ai encore plus expérimenté très récemment en voyageant seule pour la première fois, loin. Oui on me parle comme une maman, voire une mamie, mais à la longue j’aime ça, et surtout... j’ai une paix royale et plein d’attentions pour m’aider si j’en ai besoin.
Alors pour vous toutes, les filles de la cinquantaine: oui, c’est une grosse remise en question, oui ce sont de gros changements, mais on s’y habitue grâce à tous les autres cadeaux “dans l’épreuve”. Et promis juré, on a plein de belles années à vivre après si on ne stagne pas dans la frustration et l’amertume de ce qui n’est plus 😉
Haut les cœurs !