Déjà, je voudrais vous remercier. Parce que je crois que je n’avais jamais senti autant d’affection que ces derniers jours, de la part de personnes que je n’ai jamais rencontrées. Que ce soit dans les commentaires sur ma dernière newsletter ou sur Instagram, vous avez été nombreux(ses) à manifester votre joie pour moi et c’est tout de même très rare je trouve, de se réjouir pour autrui. Je suis la première à ne pas en être toujours capable. Alors voilà, je mesure ma chance et je vous remercie parce que ça m’a portée.
Je n’avais pas spécialement prévu de vous raconter cette semaine, pas sûre que ça vous intéresse particulièrement, mais j’ai reçu pas mal de messages me demandant s’il y aurait une newsletter sur le sujet, dont acte.
Donc, après ce préambule, comment ça s’est passé ?
Franchement ? Mieux que tout ce à quoi je m’attendais.
Pourtant, je n’en menais pas large en arrivant à Montparnasse. Est-ce que j’allais me sentir à l’aise, est-ce que la magie opérerait entre les membres du jury ? Est-ce que j’allais me prendre les pieds dans le tapis au moment de monter sur scène ? Est-ce que je saurais être pertinente quand il faudrait délibérer sur les oeuvres en compétition ? Est-ce que mes pieds survivraient aux pavés du port de La Rochelle ? (fin du suspense, la réponse à cette dernière question est vite répondue et je ne dois d’avoir encore mon petit orteil qu’au créateur des compeed achetés en urgence à J + 2) (A un moment j’ai envisagé les urgences de peur de faire une septicémie) (mais genre vraiment).
Je n’en menais pas large mais dès que nous nous sommes retrouvés au complet devant notre voiture, coachés par notre fée Chloé, la responsable du Jury, j’ai su que ça irait. Un truc qui ne s’explique pas, des sourires échangés, une douceur dans l’air, des vannes qui ont fusé.
Mais il me restait tout de même une petite appréhension. Qui dit soirée d’ouverture, dit photocall, maquillage, coiffure et tenue correcte exigée.
Pas ma plus grande compétence. (euphémisme)
Je n’ai jamais vraiment su où placer le curseur et généralement, pour ne pas me tromper, j’opte pour du noir. Mais allez savoir pourquoi - personnellement j’ai beau essayer de comprendre je ne sais toujours pas quelle mouche m’a piquée - quand j’ai su en juin que je ferais partie de ce jury, j’ai acheté en toute détente un costume… ROSE. Pas pastel hein, pas vieux rose ou framboise. Non non, un rose malabar, tendance fluo.
A ce moment là, ça me semblait être une bonne idée. Sobriété du costume, joie de la couleur.
A une demi-heure du photocall, j’avais juste envie de m’étrangler à main nues (j’ai essayé, mais spoiler, on a un réflexe de survie). Encore plus quand je suis descendue dans le lobby de l’hôtel et que j’ai rejoint mes collègues qui étaient tous… en noir. Et qu’ils m’ont regardée arriver avec une sorte de sidération dans le regard.
Depuis des semaines, à chaque fois qu’on me demandait si je ne flippais pas trop pour mes outfits, je répondais faussement détendue (EVIDEMMENT QUE JE FLIPPAIS) que non, parce qu’en réalité, je serais la nobody du jury et que de toute façon, la seule qu’on allait regarder et voir, c’était Sonia Rolland. Je veux dire, tout le monde s’en fout de la scénariste, c’est connu.
Mais là comment vous dire que le problème n’était pas qu’on veuille ou pas me regarder. A moins de porter les lunettes qu’on met pour regarder le soleil les jours d’éclipse, j’étais à moi toute seule un danger pour la rétine des photographes.
Mais il était trop tard pour reculer, rose je serais donc.
Mais à ma plus grande surprise, cette tenue a fait office de cape non pas d’invisibilité mais d’invincibilité. Comme s’il était impossible à quiconque me croisant de ne pas sourire. Comme si cette couleur était un antidote à la mélancolie. Je ne sais pas trop comment l’écrire sans paraitre vaniteuse, mais on m’a parlé de ce costume toute la semaine. Je reçois encore des messages où l’on m’appelle “costard rose”. Tous les jours, on me demandait pourquoi je ne le portais pas. J’étais devenue la jury pink à défaut d’être la jurée punk. Pour quelqu’un qui ne voulait pas trop qu’on la remarque, opération réussie.
Enfin… “quelqu’un qui ne veut pas trop qu’on la remarque”… Il faut croire que mon surmoi, lui, ne rêvait que de ça. Parce que POURQUOI sinon ?
Je me rappelle de cette phrase de Coco Chanel qui dit qu’en gros si on regarde le vêtement plutôt que la femme, c’est que c’est raté. Bah Coco, tu racontais n’importe quoi (après, je rappelle qu’elle couchait avec les nazis, il faudrait peut-être arrêter de penser qu’elle avait la science infuse).
Parce qu’en vérité, pour mon plus grand bonheur, ce n’est pas moi qu’on a regardée, c’est le costume. Et c’était sans doute inconsciemment exactement ce que je cherchais.
Tout ça pour dire que j’ai donc porté un costume rose et que je ne suis pas totalement passée inaperçue.
Je vous rassure, mon égo regonflé à bloc par tous les compliments glanés sur le vieux port est vite redescendu quand mon président (oui Thierry G. sera à vie mon président, le seul que je reconnaisse désormais) m’a appelée pour monter sur scène d’un retentissant “Caroline Constant, scénariste”. A sa décharge, on ne se connaissait que depuis trois heures. Je ne vais pas vous mentir, je m’étais imaginé ce climax de ma carrière un peu autrement (à minima avec mon vrai nom en fait). Mais assez vite, j’ai souri intérieurement. Ce qu’on te donne d’une main on te le reprend de l’autre, quoi. Et c’est très bien comme ça.
Ensuite, la maitresse de cérémonie, l’hilarante Antonia de Redenger m’a accueillie d’un sonore “Hi Barbie” qui a fait marrer à peu près toute l’assemblée. Et j’ai presque été rassurée de voir se confirmer que ma vie sera quand même toujours un peu une blague. Bref, pour un soir, j’étais la Margot Robbie de Charentes Maritimes, quelques centimètres en moins, pas mal d’années en plus, mais on ne va pas chipoter.
Je ne vais pas vous raconter le reste, parce que ce qui se passe dans un jury reste dans un jury, mais j’ai passé ces cinq jours sur un nuage, comme portée par ce costume rose, contaminée à mon tour par une joie enfantine qui m’a fait tout savourer. Des projections aux déjeuners et dîners tous ensemble à parler de séries, de films et plus globalement de nos vies, des cafés au petit matin sur le port aux soirées jusqu’à pas d’heure au Glitter, la boite locale où tous les fêtards se retrouvaient, des débats enflammés sur les prix à donner et à qui, aux coupes de champagne dégommées avant de remonter sur scène le dernier soir pour annoncer le palmarès, la peur au bide en ce qui me concerne. On m’avait en effet annoncé quelques heures plus tôt qu’il ne faudrait pas se contenter de donner les trophées mais les accompagner d’un petit discours à chaque fois. Et là, pas de costume rose, les plaisanteries les plus courtes sont toujours les meilleures. Et bien sachez le, oubliez le média training, le coaching pour la prise de parole en public. Bourrez-vous la gueule, ça passe tout seul.
J’ai presque trouvé normal de me retrouver à danser à quelques centimètres de ceux qui normalement peuplent mes fictions préférées. J’ai pris l’habitude de mettre une heure à faire cent mètres quand je sortais d’une projo avec Sonia Rolland ou mon président, lesquels devaient s’arrêter tous les dix pas pour faire des selfies. Il ne fallait pas que ça dure plus longtemps parce que j’étais à ça de penser que j’en étais devenue une moi aussi de célébrité (en tous cas, mon avatar Caroline Constant l’était). Tous les matins je me réveillais à l’aube, excitée à l’idée de la journée qui s’annonçait, fébrile et me pinçant pour vérifier que c’était vrai.
J’ai été si heureuse que j’en ai presque eu peur par moment. (bon, après, parallèlement, je souffrais d’une gangrène du petit orteil à un stade avancé, ça équilibrait un peu).
Sur instagram, W, un vieux copain, m’a écrit sur une publication où je racontais justement ça, à quel point c’était bien, “maintenant on veut la vérité”.
Evidemment, même s’il y avait eu des connards dans le jury, je ne vous le dirais pas. Mais croyez moi sur parole, ces six personnes que je ne connaissais pas encore il y a huit jours étaient toutes des compagnes de route parfaites.
Est-ce qu’on se reverra ? Je ne sais pas. Il y a toujours cet espoir, à la fin d’une telle expérience, mais on sait combien le quotidien nous rattrape. Je crois que ça n’est pas le plus important. Le plus important, c’est que ça ait existé. Ça, on ne nous le prendra pas. Je chérirai longtemps ces souvenirs, même si le carrosse est redevenu citrouille et que je suis un peu outrée, je ne vous le cache pas, qu’on me demande à nouveau de payer dans les restos et que plus personne ne vienne me chercher dans le lobby d’un hôtel pour m’accompagner à ma projection afin que je ne fasse pas la queue.
Plein de fois, je me suis dit qu’il était important de me rappeler de la chance que j’avais. Parfois, je me suis aussi dit que j’avais le droit de me retourner et de me rappeler de ce jour où je m’étais levée de mon siège un matin, pour entrer comme une automate dans le bureau de ce rédacteur en chef que je détestais. “Je démissionne, je veux devenir scénariste”, je lui avais dit, dans un souffle, tout en me demandant si je n’étais pas en train de faire un AVC.
J’aimerais vous dire qu’il s’était mis à ramper pour me dissuader, des trémolos dans la voix. C’est évidemment faux, la réalité n’est hélas pas une fiction. Ce jour là j’ai compris qu’il me détestait sans doute un peu plus que moi je le haïssais. “Ah bah ça tombe bien, j’ai reçu un super CV ce matin”, fut sa réponse.
Sur le coup, j’avais trouvé ça dégueulasse. Aujourd’hui, je voudrais le remercier. Me connaissant, à ce moment là, j’étais si peu sûre de ma décision que s’il avait insisté ne serait-ce qu’une seconde, je me serais ravisée. Sans le savoir, il m’a permis, douze ans plus tard, de parader dans un costume rose sur le quai des dames à La Rochelle, à côté de Gilou.
Ce soir, ma fille, qui s’appelle Rose (tiens tiens…), m’a demandé “si tu devais revivre un âge de ta vie, ça serait lequel ?” J'ai réfléchi un peu, admis que revivre la naissance de mes enfants, les premiers mois de notre histoire avec leur père, mes années étudiantes, je ne serais pas contre. Mais qu’en réalité, “maintenant, en vrai, c’est bien”.
Voilà, je ne suis pas certaine que tout ça ait un énorme intérêt et je ne suis pas sûre de l’avoir très bien raconté. Peut-être qu’une photo vaut mieux que mille mots, pour une fois.
Tu sais quoi , en regardant la TV ce soir j’ai pensé à toi 2 fois ce soir : j’ai immédiatement pensé que ton costume rose était bien plus enthousiasmant que celui de Giorgia Meloni aujourd’hui et que tu le portais bien mieux ! Son rose à elle sentait le rance , le tien la joie d’être là !
Et quelques minutes après j’étais extrêmement heureuse pour toi quand j’ai vu l’annonce faite avant la diffusion de Fortune de France ce soir. Il y avait avec ce bonheur de voir ton nom un petit sentiment de fierté aussi ,celui d’avoir très très très très indirectement participé un peu à ce jury: je n’ai pu que me féliciter d’avoir su dès la première ligne que j’ai lue de toi que je continuerai de te suivre tant que tu écrirais . Nous sommes nombreuses à te suivre depuis des années et ta réussite, si elle te revient entièrement, je suis sûre que nous sommes très nombreuses aussi à en éprouver de la joie. Et cette joie a désormais une couleur : rose !
Que c'est bon de lire votre bonheur, de sourire à vos aventures! Osez les couleurs elles vous réussissent et ensoleillent les journées de ceux qui vous croisent comme vos mots nos journées! Ne redescendez pas trop vite et gardez la joie au cœur encore un peu!