Je tourne autour de ce sujet depuis un moment, sans savoir vraiment comment l’aborder ni si c’est très intéressant, ou tout au moins si ça peut parler à d’autres que moi. Bref, je me lance.
Coming out: j’ai un vrai problème avec le fait de perdre.
Ce qui n’est certainement pas très original, peu de gens doivent adorer ça en réalité. Là où ça se complique un peu en ce qui me concerne, c’est que comme je ne suis pas très joueuse (pas du tout) (énorme culpabilité de mère, j’ai toujours détesté ça. Pendant le covid, au début du confinement, quand j’ai lancé “on se fait un Uno ?”, mes enfants se sont regardés paniqués: “ok là c’est sûr, on va tous crever”), comme je ne suis pas très joueuse, disais-je avant cette parenthèse de quatre kilomètres, ma détestation de la défaite se vit par procuration.
Le sport étant mon exutoire favori. Ce qui là encore est tout de même cocasse vu mon inaptitude absolue à faire une quelconque activité physique. Mais il y a peu de compétitions sportives qui ne retiennent pas mon intérêt. Jusqu’à ce que mon favori (Lewis Hamilton, Olivier Giroud, Les Bleus, Raphaël Nadal, L’OL, etc.) montre des signes de faiblesse. Là c’est le drame, j’éteins la télé ou je suis tentée de quitter le stade les rares fois où je m’y rends (sachant en effet que je peux être contrainte d’assister à la défaite, je préfère ne pas trop prendre ce risque). Récemment, ça s’est tellement aggravé que je regarde la plupart des compétitions en replay, une fois que je sais qu’on a gagné.
C’est nul et pas très glorieux. Etre un bon supporter, normalement, c’est être là aussi dans les moments difficiles. Moi je ne suis là que quand on ramène la coupe à la maison. Et je peux vraiment me rendre malade, j’aimerais exagérer pour les besoins narratifs mais hélas, un match perdu de l’Equipe de France de foot ou de rugby peut me flinguer une semaine. Quand l’inverse me rend à peu près aussi heureuse que deux kilos de moins sur la balance (bien le seul contexte où je préfère perdre que gagner). J’ai souvent parlé avec mon quelqu’un de ce “problème”, qui n’est certes pas très grave mais qui en réalité dit tout de même beaucoup de celle que je suis vraiment. Et qui explique sans doute que pendant des années, j’ai préféré ne pas oser, par peur sans doute de ne pas atteindre des objectifs suffisamment honorables pour que je les considère comme une victoire. Ma psy me répétait souvent que la perfection ne peut pas être une fin en soi. Sur le papier je suis d’accord, mais bien sûr, vu qu’en plus d’être une mauvaise perdante, je suis masochiste, j’ai choisi un métier où je passe mon temps à recevoir des “notes” sur mon travail. Notes qui forcément mettent généralement le doigt où ça fait mal, avant d’être éventuellement positives. Petit à petit, j’apprends à m’en détacher, mais je suis toujours admirative de mes confrères ou consoeurs suffisamment sûrs d’eux pour ne pas se remettre en question après un refus d’un producteur ou d’une chaîne. (quand moi ça se transforme immédiatement en une sentence irrévocable => “je suis une merde”).
Pourquoi je vous raconte tout ça aujourd’hui ? Parce que ces derniers jours, il se trouve que j’étais au festival de la fiction de La Rochelle, pour défendre un “unitaire” (un film en langage télé), écrit avec ma comparse Béatrice Fournera. Qui dit festival dit palmarès. Vous la voyez venir la fille qui a claironné toute la semaine que le principal c’était de participer, qu’être sélectionnée, c’était déjà génial ? (évidemment que non putain, ce qui est génial c’est d’être primée, de monter sur scène et d’avoir enfin l’occasion de réciter ce discours peaufiné depuis environ 30 ans).
Trêve de suspense, on a rien gagné.
MAIS.
Mais avant cela, il y a eu une projection dans une salle de cinéma comble. Avec toute l’équipe du film et notamment ses acteurs, dont bon nombre sont de jeunes amateurs en situation de handicap. Et dans le public, des personnes hautement estimées. Durant tout le film, B. et moi étions prostrées, unies dans un sentiment partagé de fierté et d’autodénigrement, voyant subitement tous les défauts de notre scénario, incapables de nous laisser porter par la joie et le privilège de vivre un tel moment. Le film s’est terminé et les lumières se sont rallumées. Et petit à petit, tout le monde s’est levé en applaudissant. Timidement au début, puis de plus en plus fort. Partout où nos regards se posaient, ça pleurait. Il y avait les larmes de joie des producteurs, d’émotion de ces acteurs qui venaient de naître, de tristesse de ceux à qui le film avait raconté leur propre histoire. Il y avait des larmes de soulagement, d’autres d’une vie entière. Les miennes étaient un peu de tout ça. Ça a duré cinq minutes ou mille ans, je ne sais plus bien. Et sans faire ma drama queen (pas trop mon genre) (hu hu hu), je crois que c’était un des instants les plus forts de ma vie, en fait. Il y avait comme une bulle d’amour autour de nous et la sensation d’avoir participé à quelque chose qui avait du sens. Et toutes les imperfections que j’avais vues ou cru voir pendant la projection n’avaient plus aucune importance. Elles étaient peut-être la raison même de cette standing ovation (oui bon il fallait quand même que je place l’expression).
Et puis donc le lendemain, on n’a pas eu de prix. Et je pourrais vous dire que ça ne m’a rien fait, grâce à tout ce que je vous ai raconté précédemment.
Je pourrais mais ça serait un gros mytho.
La vérité c’est que j’étais dégoûtée. Et que je me suis évidemment dit que j’étais une merde.
Moralité, il faudrait sans doute que je retourne consulter.
Plus sérieusement, la déception passée, je retiens surtout la bulle d’amour. Et si je suis très honnête, à choisir, je préfère ce moment là à celui d’un prix qu’on reçoit et puis merci au revoir. Oui bon, les deux c’eut été encore mieux. Mais je crois tout de même que l’amour c’est plus durable que la gloire, non ?
Après, si les Bleus pouvaient ramener la coupe, du coup, ça serait sympa, merci.
PS: “La Belle Etincelle” sera diffusé le 5 octobre sur M6 et c’est sans doute l’un des films auxquels je tiens le plus. J’espère qu’il vous procurera les mêmes émotions qu’aux spectateurs du Cinéma Le Dragon à La Rochelle.
Ton post m’a beaucoup touchée parce qu’il m’a rappelé une séance chez mon quelqu’un qui m’avait dit en substance quelque chose de cet ordre :
Ce qu’il convient, c’est de trouver ce qui se « joue » en vous dans ces situations, quel est l’en’’jeu’´… Quand on est enfant, on joue à faire comme les grands et puis on entre de plain-pied dans le jeu (je ?) de la vie. Ça peut être une question de valorisation de soi ou plus archaïquement, une question de vie ou de mort (ne dit-on pas « perdre » la vie) i.e. si je perds alors je meurs.
Je n’ai jamais oublié cette séance (et pourtant elle date), je ne sais pas si ca t’aidera mais si oui alors j’aurai… gagné ! 🤪
C'est non seulement gai de te lire mais aussi émouvant. Tu partages "tes failles" avec tant de sincérité et de vérité. Et c'est certainement toutes ces qualités qui feront de L'étincelle, un film dont on se souviendra. Hâte de le découvrir. Je t'embrasse.