Il y a quelques jours, je marchais, comme à mon habitude. Ah parce que oui, dites-donc, je m’y tiens. Depuis bientôt six mois, je marche une heure par jour. Je sais, pour le commun des mortels c’est de l’ordre de l’anecdotique. Pour moi, ça touche à l’exploit, faites semblant d’être impressionnés, merci.
D’ailleurs, c’est très malheureux parce que lorsque j’ai une flemme monumentale ou que le temps ne s’y prête pas, il y a une phrase qui me revient à chaque fois: “rien ne devrait jamais être plus important dans une journée que de faire du sport”. Pourquoi c’est malheureux ? Parce que c’est une citation de Yann Moix, lue dans un article je ne sais plus où.
C’est bien ma chance. Il faut que ce soit grâce à l’un des écrivains les plus problématiques du moment que je m’extirpe de mon canapé. Limite je lui suis redevable. On a les coachs de vie qu’on mérite.
Quoi qu’il en soit, merci Yannou, t’auras au moins fait une chose de bien dans ta vie, qui plus est pour une quinqua en surpoids, ce qui en soi est sans doute ton pire cauchemar. Finalement, c’est assez drôle.
Bref, je marchais, donc. Il faisait assez beau, j’avais une bonne musique dans les oreilles, de celles qui me font accélérer la cadence. Et je ne sais pas exactement ce qui s’est alors passé dans mon cerveau mais il m’a suggéré une idée saugrenue. “Et si tu courais ma grande ?” Emportée par un enthousiasme aussi soudain qu’inédit, je l’ai écouté. Et me voilà tel un poulain à peine débourré, gambadant joyeusement sur du Francis Cabrel (la Corrida).
Environ 300 mètres.
Une distance courte mais suffisamment longue pour que je me mette à rêver plus grand. Aujourd’hui c’est deux minutes. Demain quatre. Dans dix jours je fais trois kilomètres. Dans un an le marathon. Mes proches se positionneront un peu partout sur le parcours. Au 20ème kilomètre il parait qu’on a besoin d’un second souffle, penser à leur dire de mettre quelqu’un qui a la voix qui porte à cet endroit là. Mes enfants m’attendront à la fin. Peut-être même qu’ils feront les derniers mètres à mes côtés. (On se dit tout ? En imaginant mon fils, avec qui je me serais engueulée le matin même (pour des besoins scénaristiques évidents) et qui me relèverait à quelques mètres de l’arrivée, en me disant “maman je t’aime, merci d’être toi”, je me suis AUTO-ÉMUE) (pour de vrai). Ensuite j’écris. Un long métrage. Ou un roman. ‘Une femme qui court’. L’histoire d’une rédemption. Ou alors je filme toute ma préparation et ça part à tout moment en documentaire Netflix.
300 mètres. Ensuite j’ai levé le pied, et pas du tout parce que j’avais une sensation de mort imminente (enfin, si, quand même) (spoiler alert, j’ai vu zéro lumière).
Je suis rentrée chez moi, pleine d’une nouvelle énergie. Celle des défis à venir et du dépassement de soi.
Et puis sur ma lancée, je me suis dit qu’avant de me remettre au boulot j’allais pour une fois anticiper et préparer le repas du soir. J’ai alors AMORCÉ (le verbe est important) un mouvement consistant à me pencher très légèrement pour allumer le four.
Et là.
La barre.
Le bas du dos qui hurle. Bloquée.
Tous mes organes je pense s’étaient concertés après mon petit coup de folie. “Les mecs, on va très vite la calmer. Faut que ce soit radical.” Plusieurs options ont certainement été envisagées mais apparemment ce petit monde a décidé de ne pas faire dans la nuance:
Ma cheville gauche: “On lance une petite entorse ?”.
Mon genou droit: “elle pense au MARATHON, frère.”
Mon périnée: “Grave. On envoie du lourd. Une descente d’organe ? Perso je suis prêt.”
Mon vagin: “Bah voyons. Toujours les mêmes qui trinquent”.
Mon clito: “Et allez, il va encore chouiner, l’autre”.
Mon sacrum: “chuis chaud pour un lumbago”
Mon utérus et ma vessie, soulagés: “Allez, ça part sur un lumbago”.
Ce soir là évidemment on était à court d’anti-douleurs. Je suis montée dans ma chambre à l’équerre. Et j’ai passé la pire nuit depuis mon dernier accouchement qui pourtant dans le genre était un carnage (ou comment découvrir qu’on peut vomir de douleur).
A 4h du mat, j’ai réveillé le churros en le prévenant que j’étais en train de crever. Magnanime et assez peu impressionné, il a vaguement caressé mon dos. Epuisée, j’ai réussi à m’assoupir. Lui non. Il m’en a un peu tenu rigueur (deux semaines plus tard il y a encore de la haine dans son regard).
J’ai passé les trois jours qui ont suivi à gober de l’ibuprofène tout en me scotchant des patchs chauffants (je me demande depuis à quoi sert la vie sans patch chauffants. Il n’existe franchement rien de plus réconfortant que ces petits coussinets brûlants dans le bas du dos) (si ça ne coutait pas un rein j’en aurais toujours une dizaine d’avance). J’ai un poil prolongé le plaisir alors que je n’avais plus vraiment mal. Et j’ai gardé cette espèce de pansement matelassé irradiant (et à coup sûr très mauvais pour la couche d’ozone) pour aller voir Starmania.
Une très bonne idée compte-tenu qu’on est fouillé à l’entrée.
La gueule de la meuf quand ses mains sont entrées en contact avec ce qui doit à mon avis être ce qui ressemble le plus à une ceinture à explosif (je veux dire, à part une vraie ceinture à explosif).
“Non mais c’est juste mon patch chauffant”. Quand j’ai prononcé ces mots et que la vigile m’a immédiatement crue, j’ai réalisé que je pouvais toujours essayer de me raconter des histoires, j’étais désormais clairement passée de l’autre côté. (celui des fuites urinaires).
Je crois qu’à tout prendre j’aurais préféré être vraiment soupçonnée de vouloir me faire sauter sur “Le monde est stone”.
Bref, y’a quelques jours j’ai couru et c’est pas prêt de se reproduire.
PS: Starmania c’était incroyable.
PS 2: Après un mois de janvier de 67 jours, j’ai jamais été aussi heureuse d’attaquer février.
PS 3: La prochaine fois je vous raconterai mon week-end à Amsterdam. Enfin, ma moitié de week-end étant donné que nous sommes restées plus longtemps dans le train (7h à l’aller, 10h au retour) que sur place. (quelle était la probabilité qu’à l’aller on se tape une collision avec un animal et au retour une panne électrique sur les rails belges ?)
PS 4: 2024 tu m’as déjà régalée.
Tout est malheureusement exact
Je l’ai pas vue venir celle là (la chute (de l’histoire))… Magnifique 🤩
Pour une fois qu’une insomnie me fait marrer ^^ Merci 🙏 mais je compatis (je reste humaine quand même)