Hier, après une semaine à agoniser - j’ai eu le Covid à nouveau - je suis allée au jardin des plantes admirer les cerisiers centenaires ployer sous leurs fleurs. J’ai raté la floraison du plus célèbre d’entre eux, celui qui pousse à l’horizontale au ras du sol et dont les fleurs rose pâle donnent de loin l’impression qu’il est recouvert de neige. Mais ce week-end était celui de l’apogée des autres, d’un rose plus soutenu, alourdis eux aussi par des centaines de pompons soyeux qu’on voudrait toucher pour en vérifier la douceur. Je ne sais pas pourquoi rester sous ces parasols géants au parfum subtil de miel me procure autant de joie. Je les piste dans le parc à côté de chez moi, puis finis ce pèlerinage annuel au jardin des plantes, donc. Nous n’étions pas seuls, il y avait sous ces arbres de nombreux aficionados tous aussi conquis. Et alors que la morosité règne à Paris ces derniers temps, là les conversations entre inconnus allaient bon train. Je crois que le beau crée du lien.
Ensuite je suis rentrée chez moi épuisée et essoufflée alors que je n’avais marché qu’une petite heure. Parce que j’ai eu le Covid, donc, la semaine dernière. Je suis l’inverse de l’immunité (la meuf tiendrait pas deux jours dans the last of us). Je ne sais pas si ça peut servir l’humanité mais il faudrait peut-être tout de même investiguer mon sang pour comprendre comment, alors que je sors finalement assez peu de chez moi, je me démerde pour chopper le Coronavirus tous les six mois. J’exagère à peine. Là c’était une cuvée bien vénère, 40 de fièvre au compteur, une toux de vieille poche qui carbure aux gitanes et le nez plus bouché que la Porte de Bagnolet un samedi soir.
Vous me connaissez, j’ai souffert en silence (FAUX) (Rose a entrevu ce que serait l’étape Ehpad avec sa mère, je pense qu’elle sera la première à manifester pour l’aide à mourir dans la dignité) (“tu me ferais une tisane ?” (voix de mourante) “j’ai 40,1”. “J’ai refait un test, il est toujours positif”. “C’est comme si un camion s’était garé sur mes poumons, je suis très oppressée”. “Avec du miel s’il te plait”. “Un peu plus”. “C’est antiseptique, c’est pour ça”. “Qui a pris mon saturomètre ?” “Il reste du Doliprane ?” “96% d’oxygène, c’est critique non ?”“Est-ce qu’avec ce variant il faut faire gaffe jusqu’au 7ème jour tu crois ?” (après, je tiens à dire que ma mère, modèle de sérénité, n’a rien trouvé de mieux à me dire, quand je l’ai eue au téléphone en la rassurant parce que je sentais une amélioration: “Pourvu que ça ne dégénère pas après cette embellie”). Pourvu en effet.
Bref j’ai eu le Covid pour la troisième fois (enfin, dixième, si on compte les faux négatifs) et ça excuse donc je pense ce long silence depuis ma dernière newsletter. (En réalité, oui, parce que ça m’a pris dimanche dernier juste avant de m’y mettre et que j’ai récupéré mon cerveau hier).
C’est étrange d’être malade quand on est à son compte. D’une certaine manière, c’est sans doute la seule façon de s’arrêter vraiment (même si j’ai malgré tout dû m’acquitter d’une ou deux tâches qui ne pouvaient pas attendre, je dirais que j’ai vraiment mis en pause 90% de mon activité). Mais il n’y a pas ce que j’appréciais quand j’étais salariée, cette sensation de sécurité, cette autorisation à tout lâcher le temps que la fièvre retombe. Parce que je dois bien l’avouer - et ceci explique sans doute cela - je ne déteste pas totalement être malade de temps à autre. Il y a dans ces moments là une reprise de pouvoir du corps sur l’esprit. Mon tempérament anxieux a tendance à s’assoupir, comme s’il n’y avait plus la place pour les pensées en boucle. Et puis le souvenir de la main fraiche de ma mère sur mon front brûlant, du thé apporté sur un plateau dans ma chambre, accompagné des thé bruns, seule denrée qui passait alors. L’apaisement lorsque le Doliprane fait effet et que les tremblements cessent, le sommeil étrange dans lequel on sombre par intermittence, l’oreiller frais contre ma joue après un bain tiède. Il ne faut pas que ça dure trop longtemps, il ne faut pas que ça soit trop grave. Mais trois jours un peu loin du tumulte, trois jours où l’on attend plus rien de vous, si ce n’est guérir, de ma position de privilégiée qui sait que le ciel ne me tombera pas sur la tête parce que je me suis arrêtée, c’est presque agréable.
Et puis il y a ce moment où l’orage est passé, laissant un peu de fatigue derrière lui mais la sensation aussi que tout est à nouveau possible. Le plaisir de se relever, de reprendre une activité normale. La prise de conscience qu’en effet, finalement, il n’y a pas grand chose de plus important que la santé. Même si c’était une “petite maladie”, un grain de sable dans l’engrenage, elle est venue nous rappeler ça. Que quelques degrés de plus, quelques globules blancs en panique, suffisent à balayer tout le reste.
Voilà, à part ça, je suis tombée en amour d’une petite série merveilleuse. “Tiny Beautiful things”, disponible sur Disney, avec deux de mes actrices préférées, Kathryn Hahn et Merrit Wever. Une histoire bouleversante, d’une femme qui à l’aube de ses cinquante ans voit sa vie partir en sucette et commence pourtant à tenir le courrier du coeur d’un magazine littéraire, distillant des conseils alors qu’elle même est perdue. On suit à la fois son présent et son passé de jeune femme venant de perdre sa mère chérie. ça parle de maternité, de deuil, de transmission, d’écriture et de résilience. Le ton est doux amer comme je l’aime et le scénario est d’une rare subtilité. Je vous invite vraiment à la regarder, que vous ayez 50 ans, 22 ou 40, que vous ayez perdu votre mère ou que vous ayez encore parfois envie, à un âge avancé, de sentir sa main fraiche sur votre front brûlant.
Rien à dire d’autre que : j’aime toujours autant te lire. Merci pour la précision de tes impressions 😘
Mais incroyable comme ce virus revient souvent sur les mêmes ! Bref, c'est chaud pour ceux qui le subissent, respect !
J'ai la chance aussi d'avoir un cerisier qui explose de rose au printemps et s'enflamme dans les rouges/orangés à l'automne. C'est MON arbre. Il me fait tellement de bien. Je guette aussi la première éclosion de fleurs, il semble d'ailleurs qu'il y ait une petite semaine de retard par rapport à l'an dernier (comment ça j'ai douze mille photos dans mon téléphone ?). Bon rétablissement Caroline !