Vous la connaissez l’histoire de la fille qui se réjouit à deux jours de la fin - voire se félicite - de ne pas avoir été malade du séjour ?
Voilà. Celle là, oui. Qui présentement a une autonomie d’environ 10 minutes sans toilettes. Point positif (il y en a toujours): il se pourrait que miraculeusement toutes les pitas gorgées de babaganoush avalées depuis dix jours n’aient aucune conséquence sur la balance. Points négatifs: ai-je besoin de vous faire un dessin ? (non). Je laisserai uniquement ça là: hier nous avons vu les pyramides, avec une guide assez autoritaire (c’est rien de le dire, on s’est direct fait engueuler pour avoir demandé à la retrouver à 9h plutôt que 8h30) qui a tenté de nous fourguer une visite dans un atelier de tapis (=> elle touche une commission sur les achats, ça y’est on a bien compris le principe), que je suis parvenue à refuser avec une autorité qui moi même m’impressionne encore aujourd’hui, puis une visite d’un souk (même projet, même punition), puis, et c’est là que je veux en venir, le tour des pyramides à dos de chameau. Etant donné que j’ai un quota de “non” limité dans la journée et que le churros était tellement bouleversé par les pyramides qu’il en avait perdu son talent naturel à envoyer chier les gens, j’ai dit oui, super, génial comme idée.
Et bien je peux vous assurer que faire du chameau quand on a la tourista, ça n’est à mon avis pas une activité à recommander. Non, je reprends. Faire du chameau avec la gerbe c’est à mon avis dans la liste des dix activités à ne jamais faire. Juste après Space Mountain et le catamaran.
Bref, c’est ce qui explique ce petit trou dans la raquette des newsletter quotidiennes. Avant-hier, je n’avais vraiment rien d’autre à raconter que mes désordres intestinaux, puisque c’était une journée de transit (uh uh uh) (=> transit intestinal) (ok je sors) entre Assouan et Le Caire. Hier, j’ai fait ce pari un peu fou que mon microbiote se reprendrait en main en faisant tout de même l’excursion aux pyramides. Par je ne sais quel miracle, je ne me suis pas retrouvée à baptiser le sphinx. Et je ne regrette pas d’avoir résisté à la tentation de geindre toute la journée dans mon lit au 17ème étage de notre hôtel. Parce que les pyramides, c’est un peu comme le grand canyon ou la tour de Pise. Tu les as vues des milliers de fois en photo et puis soudain, elles se dressent dans leur énormité et presque absurdité d’ailleurs, devant toi. Et tu es sans mots.
Bon, j’ai découvert à cette occasion également que j’étais totalement claustrophobe. Quand il a fallu entrer dans l’une d’entre elles, par un tunnel d’environ 80 cm de hauteur et autant de largeur, je n’ai eu besoin que de quelques pas pour réaliser que j’allais non seulement être incapable d’aller au bout mais qu’en plus, angoisse et diarrhée ne font pas bon ménage. J’ai rebroussé chemin avec grâce et retenue (non). “Je vais crever laissez moi sortir, choukran, danke, spasiba, thank-you, poussez-vous bande de connards”.
Quoi qu’il en soit, après avoir vu les pyramides, écouté les explications de notre guide cerbère et trottiné à dos de chameau (ne venez pas me dire que c’est pas cool pour les animaux etc etc etc, je le sais, mais j’aurais bien aimé vous y voir face à Margaret Thatcher) (j’ai quand même refusé les tapis, ça compte non ?), nous sommes rentrés à l’hôtel où j’ai comaté jusqu’à ce matin. Et aujourd’hui, j’ai laissé le churros seul aux mains de la dame de fer pour la visite du Caire. Je pense que je vais le voir rentrer avec 67 tapis.
Par conséquent, je ne peux pas vraiment vous dire grand chose sur Le Caire que je ne verrai donc que depuis ma chambre d’hôtel (et encore, j’ai aussi découvert que j’avais le vertige et je suis tristement incapable de m’asseoir sur le mini balcon qu’ils appelle un nid d’aigle et dont je suis à peu près sûre qu’il attend depuis sa construction que je vienne dessus pour s’effondrer) et dont j’ai eu un bref aperçu par la fenêtre de la voiture quand nous avons traversé la ville jusqu’au plateau de Gizey. Je ne vais pas vous mentir, ça n’est pas un coup de foudre. C’est tentaculaire, très pollué, envahi de voitures (il y a 26 millions d’habitants ça vous donne une idée) et on y retrouve ce qui m’a frappée durant tout ce séjour en Egypte, une absence totale de gestion des déchets, ainsi qu’une pauvreté qui rend l’exercice touristique assez culpabilisant.
Certains quartiers se résument à des bâtiments en brique très hauts et n’ayant de fenêtres que sur une seule des quatre faces, ce qui donne une sensation très étrange. Sachant qu’en plus, pour construire le nouveau périphérique, l’Etat ne s’est pas embarrassé et a découpé les immeubles qui dépassaient. On longe donc des façades comme passées au rasoir, où l’on voit encore les tapisseries des chambres d’enfant.
Néanmoins, nous avons également vu de loin en venant de l’aéroport une citadelle qui semble magnifique et dans laquelle marche sans doute actuellement le churros, lesté de ses 68 tapis (oui entre temps il en a acheté un de plus).
Plus sérieusement, je pense que Le Caire est une ville qui se mérite et s’apprivoise lentement. Pas tellement compatible avec une fin de séjour et 48h pour tout voir, encore moins quand on est tenu de rester à moins de vingt mètres des toilettes.
Voilà, je crois que c’est la fin de ce journal, j’aurais aimé le conclure avec un peu plus de dignité et de grandiloquence, mais après tout c’est la vraie vie et dans la vraie vie parfois on boit l’eau de la douche et on a la chiasse.
J’ai adoré ce séjour, on m’avait beaucoup dit que c’était le voyage d’une vie et je le confirme, on sait qu’on n’oubliera pas, ni les berges du Nil majestueuses, ni les peintures de Nefertari, ni l’émotion à nulle autre pareille lorsqu’on entre dans ces temples intacts et monumentaux, ni les rencontres, ni ces enfants des rues aux techniques de vente ingénieuses (comment résister à un gamin qui t’appelle Sophie Marceau ? surtout après avoir été surnommée à plusieurs reprises Bernadette par les gardiens de temple ?) (en plus il est très joli ce bracelet en vrai) (non), ni la tiédeur de l’air le soir, ni la brume sur le fleuve, ni les thés à la menthe, ni ce bar en plein désert, ni la grandeur d’Abu Simbel à la frontière du Soudan.
Je suis tombée en amour de ce pays, de son histoire si fascinante, de ces poètes pour qui le soleil était un scarabée et le monde une pyramide née d’un océan primitif, de ces dieux qui buvaient les astres et faisaient repousser des pénis, afin qu’Isis puisse donner vie à Orus. Et puis tant de choses encore, la place des femmes dans l’Egypte ancienne, qui pouvaient être médecins ou pharaones, une certaine conception du droit du travail - ils avaient des congés payés ! - et l’amour de la science qui fit découvrir à ces hommes, il y a près de 5000 ans, des notions d’astronomie encore valables aujourd’hui.
Merci d’avoir suivi ce périple, vous l’avez rendu plus merveilleux, vos mots sur ces lettres m’ont accompagnée toute la semaine et m’ont rappelé s’il le fallait que c’est sans doute ce que j’aime le plus au monde. Vous écrire.
Salam.
Sachez, mesdames, que j’ai ramené de mon petit tour au Caire uniquement… une boîte d’Immodium
Plus sérieusement, la citadelle, les mosquées, les églises coptes, la synagogue et le vieux Caire valent le détour
Déjà fini? c’était trop bien... Merci pour le récit, entre rire et réflexion, émerveillement et Smecta, c'était parfait! Vivement que ça recommence!