Oui bon y’a eu les vacances en même temps, hein.
Qui furent vraiment délicieuses si ça vous intéresse. Une petite semaine à Cavalaire, à quelques kilomètres de mon lieu de naissance. Ce qui bien sûr fut l’objet d’une blague récurrente de mes enfants et du churros, sans doute lassés que je le leur répète environ 200 000 fois sur le trajet de Toulon à Cavalaire, tout en essayant d’identifier l’immeuble dans lequel j’ai passé mes premiers mois. Immeuble longé par la quatre voies et resté dans son jus d’hlm des années 70. “C’est bon Cosette”, m’ont-ils fait comprendre au bout d’un moment.
N’empêche que je suis donc née à Toulon - plus précisément à La Valette - et que je ne sais pas si c’est une vue de l’esprit (si en vrai je m’en doute mais laissez moi me raconter des histoires) mais dès que je reviens sur les terres de ma petite enfance, j’ai la sensation de retrouver quelque chose que j’avais perdu. La lumière, les parfums, les mimosas et les pavots presque fluorescents. Et puis la mer, bien sûr.
Bref, l’espace de quelques jours, il n’y a eu que le bruit des vagues, le lever du soleil sur la mer, le mistral, les tropéziennes de chez Senequier - je vous ai raconté que la soeur de mon grand-père avait épousé justement le propriétaire de Sénéquier ? (apparemment je l’ai bien - trop - raconté à mes enfants), le sable entre les doigts de pieds et… la lucite. Qui m’a pas loupée. En plus de toutes les joyeusetés de la cinquantaine, il semblerait donc qu’on ait oublié de m’informer de celle-ci, une soudaine intolérance au soleil. ça tombe bien on va en Crète cet été.
Une semaine douce et paisible, rythmée par une lecture qui aujourd’hui encore reste en moi, tant ce livre m’a bouleversée. Et comme tout fait souvent sens, c’était un ouvrage qui interrogeait l’enfance, la transmission et les traumatismes que les générations se refilent sans réaliser que certains silences pèseront sur l’existence de leurs descendants.
Sur la terre de ma naissance, dans un décor de carte postale, j’ai lu, justement, “La Carte Postale” d’Anne Berest. Et je ne suis pas prête de l’oublier.
Un matin, Lélia, la mère de l’autrice, reçoit une carte postale sur laquelle sont écrits quatre prénoms. Ceux de son grand-père, Ephraim, de sa grand-mère, Emma, de sa tante, Noémie et de son oncle, Jacques. Tous les quatre morts à Auschwitz.
Qui a envoyé cette missive anonyme à sa mère, une mère qui n’a jamais vraiment réussi à parler de la Shoah et de cette période à Myriam, sa propre mère, fille d’Ephraïm et Emma, soeur de Jacques et Noémie ? Seule rescapée, donc, de cette famille de juifs russes, ayant émigré en France dans les années 30. C’est ce que va tenter de découvrir Anne, arrière petite fille d’Emma et Ephraïm. Aidée par Lélia, qui lui ouvre ses archives et lui raconte ses propres recherches effectuées avant la mort de Myriam, trois ans plus tôt.
Cette quête nous emmène sur les traces de ces disparus, en Russie, puis en Lettonie, où Ephraïm et Emma ont fui avant d’arriver en France, pays des lumières et de la fraternité, qui jamais, le pensaient-ils, ne représenterait un quelconque danger.
Au delà de la grande histoire, que l’on connait mais qui racontée par le prisme de ces personnages, révèle son lot d’horreurs, il y a celle, donc, de prénoms qui se retrouvent génération après génération, de lieux fréquentés par Myriam et Noémie, comme le lycée Fénelon, ce même lycée dans lequel Anne a ressenti l’urgence d’étudier sans savoir que quarante ans plus tôt, sa grand-mère et sa petite soeur foulaient les mêmes couloirs. De page en page, le passé interroge le présent et vice versa. C’est bouleversant, c’est l’histoire singulière des Rabinovitch mais c’est aussi, celle, plus universelle, d’une famille qui n’a pas livré tous ses secrets. C’est celle de l’indicible, des traitres et des héros qui parfois se confondaient, de mères à qui des enfants ont été arrachés et d’enfants qui jamais ne revirent leurs parents.
C’est une histoire qui a résonné, donc, puisque dans ma famille, il y a ce prénom qui ne cesse d’être donné, sous sa forme originelle ou dérivée, depuis 80 ans désormais. Depuis qu’un jour, Louis, le frère de mon grand-père maternel, fut arrêté et emmené à Bergen Belsen, d’où il n’est jamais revenu. Louis, Louise, Lou, Lou-Anne, on ne compte plus les enfants qui ensuite sont nés et ont été appelés comme lui. Sans qu’aucun de nous en ait été conscient, puisque personnellement j’ignorais le prénom de ce grand-oncle disparu dont il ne fallait pas parler, parce que mon grand-père, lui même emprisonné cinq ans en Allemagne, ne pouvait pas supporter son évocation.
Il n’y a que très peu de temps que ma mère a eu la confirmation de sa mort, alors qu’il tentait de s’échapper de Bergen Belsen. Quelques jours à peine avant la libération de son frère. Des années durant, ses proches ont espéré le voir revenir. Comme Myriam a cru revoir un jour ses parents, errant dans l’hôtel Lutecia, parmi les fantômes revenus exsangues des camps.
Voilà, c’était donc une newsletter légère et pleine d’espoir. Plus sérieusement, je vous invite vraiment à lire “La carte postale”, qui est sans doute l’un des livres les plus puissants et romanesques jamais lus.
Et sinon hier j’ai fait du vélo. Demain j’aurai sans doute mal au cul. Ce qui n’a pour le coup vraiment rien à voir avec le reste.
Je l’ai également lu et je confirme tout ce que dit ma chère et tendre.
Elle s’est très bien débrouillée avec mon vélo électrique. Moi, j’ai eu plus de mal avec le biclou de la petite dernière
Je vais m'empresser de le mettre sur ma liste ! Je suis toujours avide de lectures qui me transportent... Ce qui ne m'est pas arrivé depuis quelques bouquins malheureusement.
Parce que OUI, je lis à nouveau tous les soirs. J'avais complètement laissé tomber cette pratique, happée par mon téléphone posé sur la table de nuit, attrapant des crampes de pouce à force de faire défiler YouTube ou TikTok... qui m'empêchaient de m'endormir, puisque mon esprit était toujours maintenu en éveil à chaque scroll.
Comme je ne suis pas capable de me raisonner, j'ai décidé que le téléphone (qui devenu une extension naturelle de ma main), resterait dans une autre pièce le soir, afin que la tentation ne passe plus par moi !
Retour du bouquin (de la liseuse en réalité). Je suis très contente.
Bien entendu, cela ne résout pas la question de l'intérêt d'une lecture qui ne se fasse qu'à raison d'une page trois-quarts par jour... avant que je ne prenne l'appareil sur le coin du museau puisque je me suis endormie.
Aïeu.