Ouais, j’invente un mot, je suis comme ça, zéro limite.
Je me faisais la réflexion cette semaine que le simple fait d’acheter un vrai sapin ainsi qu’un calendrier de l’Avent Kinder (ou autre marque industrielle) faisait de moi non seulement une tueuse de planète mais en outre une mère au rabais. Heureusement, mes enfants sont grands, je pense que si je leur fabriquais de mes deux mains gauches une maison en carton avec des cadeaux éthiques à l’intérieur, ils me regarderaient étrangement. (Alors qu’ils réclament encore à 22 et 14 ans leur calendrier à ma mère qui traditionnellement le leur expédie chaque année).
Mais que ça doit être difficile, je me disais, d’être une jeune mère aujourd’hui, à l’ère formidable des réseaux sociaux. Parce que si les injonctions à la perfection ont toujours pesé sur nos épaules, je trouve qu’elles ont pris une autre dimension. Non seulement on doit être irréprochables mais également répondre à des exigences photogéniques, morales et environnementales, comme si notre assiette était déjà pas assez pleine.
Il faut allaiter, oui, mais longtemps et exclusivement, et bien sûr élégamment (dans des tenues hors de prix et conçues pour, vade rétro satanas le tee-shirt qu’on soulève à la va comme je te pousse). Consulter des spécialistes du sommeil dès la gestation, payer une fortune une séance de bain post-natal (WTF), enrouler les bébés dans des langes avant de les plonger dans l’eau pour limiter le choc thermique (je les collais dans le lavabo perso). Pratiquer l'alimentation autonome ou la diversification alimentaire menée par l'enfant (la DME pour les intimes) qui consiste donc à laisser libre l’enfant de bouffer n’importe quoi tout seul avec ses doigts. Ce qui est sûrement génial pour lui hein mais putain dieu merci ça n’existait pas pour les miens parce que j’avais déjà du mal à me laver avant 18h, alors couper des carottes en bâtons et nettoyer la cuisine du sol au plafond après chaque repas, comment vous dire que ça m’aurait achevée. Sans parler de la trouille qu’il se coince un morceau de concombre dans le gosier. Et bam le retour de la culpabilité.
Il y a quelques semaines j’ai rencontré pour la première fois mes adorables nièces, deux mini jumelles toutes neuves. Quand j’ai voulu changer l’une des deux, j’ai, comme pratiqué des milliers de fois, pris les deux pieds pour les soulever afin de nettoyer son fondement. Air catastrophé et indigné de leurs parents. On ne fait plus comme ça malheureuse. J’ai dû les regarder comme une poule à qui on aurait donné un couteau. On m’a alors montré la méthode légale: faire pivoter en douceur le bébé de droite à gauche pour ne pas traumatiser ses hanches ou sa colonne. Bien sûr, je ne doute pas que si les pédiatres enseignent ça aujourd’hui, c’est pas juste pour coller un burn-out aux parents. M’enfin j’ai pas l’impression que tous les êtres humains à qui on a fait faire la chandelle pour les décrotter aient aujourd’hui les jambes arquées. Et en attendant encore un truc à cocher dans le bingo des mamans. Qui bien sûr changent le plus souvent leurs enfants.
Et tout est à l’avenant, pesant essentiellement bien sûr sur les mères, garantes de l’alimentation, de la colonne vertébrale, des érythèmes fessiers ou encore du développement intellectuel du fruit de leurs entrailles.
Alors certes, comme me le faisait remarquer l’une d’entre vous, cette pression du homemade et de la parentalité parfaite est particulièrement présente sur Instagram et ne se fait sûrement pas autant ressentir quand on vit loin de cet infernal réseau. Mais tout de même. Mettre au monde un enfant, c’est déjà, quoi qu’il arrive, se créer un talon d’Achille pour la vie, se marquer au fer rouge de la culpabilité. Tout au long de son existence, à chaque échec, accident de parcours, maladie, c’est immédiat, ça vous percute: “qu’est-ce que j’ai mal fait ? Est-ce que j’y suis pour quelque chose ?”.
Mes enfants sont désormais trop grands et bien trop connectés pour que je parle d’eux sans leur autorisation - que je ne me risque même pas à solliciter - mais je dirai pudiquement que ces dernières années n’ont pas toujours été un long chemin tranquille. Et que ces questionnements ont été récurrents. J’adorerais me dire que si j’avais fabriqué la maison du Père Noël avec 24 cases sans gluten au lieu de les gaver de chokobons, les choses auraient été différentes. Que si je les avais allaités jusqu’à deux ans ou qu’on avait investi dans un cododo, mon coeur aurait été moins mis à l’épreuve depuis leur entrée dans l’adolescence.
Mais la vérité, c’est que je n’y crois pas trop (sans doute pour essayer de me déculpabiliser, certes, mais malheureusement je sais désormais que la vie, les connards et la pression sociale se chargent parfois de saper toute la confiance que tu as essayé de mettre à l’intérieur de tes gamins et d’éprouver leur résistance, que tu aies coupé des bâtons de carottes ou pas). Ce que j’essaie de dire c’est qu’être mère c’est peut-être surtout faire l’expérience de notre impuissance à protéger nos petits de tout. Et que c’est surtout ça qu’on devrait nous enseigner, plutôt que de nous faire croire qu’en respectant à la lettre toutes les règles nos enfants ne souffriront pas. Et puis être mère, c’est aussi, dans l’idéal et la mesure du possible, partager cette aventure et toute la charge mentale afférente avec le co-parent. Parce que pardon mais ils sont où les pères quand il s’agit de trimer pendant une semaine sur des costumes d’Halloween, sur le sapin en carton ou sur le calendrier de l’avent en bois flotté ?
Bref, en ma qualité de - plus si jeune - mère, j’ai envie de vous dire, à vous qui êtes encore au début du parcours, que oui certaines choses vont passer, oui pour la majorité d’entre eux ils iront sur le pot, ils cesseront d’avoir des bronchiolites, ils y arriveront à écrire en attaché ou à faire leurs lacets. Et que vous n’irez pas en enfer pour des petits pots ou des couches jetables (même si j’ai l’impression que le coup des langes à laver ça n’a pas trop percé dans le game, faut pas déconner, on est bonnes poires mais pas à ce point non plus les gars). Mais que mauvaise nouvelle, même si vous essayez de cocher toutes les cases de la muminstagram, la vie se chargera de les égratigner, de les bousculer, de les mettre à l’épreuve. Et qu’à ce moment là, il vous faudra encore être là de tout votre coeur mais avec vos maladresses, vos doutes, vos limites aussi. Ah et puis à celles qui se sentent comme des merdes devant les comptes de ces mamans aux enfants habillés en gaze de coton terre de sienne, dites vous que ces gamins pour la plupart n’ont rien demandé et qu’un jour ils vont demander des comptes (quand ils auront déterré des photos dossier d’eux sur le pot (oui mais avec code promo) et qu’ils comprendront qu’ils ont été le fond de commerce de leurs parents pendant des années). Bref, faisons comme nous pouvons, soyons suffisamment bonnes et pour le reste, admettons que nous ne sommes pas toutes puissantes même si tout est fait pour qu’on croie devoir l’être.
Ah et sinon, pour ne pas déroger à la tradition, cette fois-ci c’est un film que je vous conseille, il n’est pas récent récent mais en cette période de pré-vacances, il est à voir en famille et vraiment réussi je trouve: “Le test”. Avec Alexandra Lamy et Philippe Katerine et il parle de parentalité, ce qui finalement est assez cohérent avec le reste de cette newsletter.
PS: j’ai eu la flemme de m’enregistrer ce week-end, dites moi si ça vous manque ou pas, c’est une petite ingénierie d’autant que le churros, spécialiste des podcasts, m’a quand même dit la première fois que ça s’entendait que j’étais avachie lors de ma première prise (que j’ai refaite environ 12 fois du coup, la première j’avais pas bugué mais les autres si - debout du coup et en souriant comme une demeurée parce que 2ème remarque du churros, “ça s’entend aussi que tu fais la gueule”). Bref, je pensais avoir une voix de radio, apparemment j’ai surtout une voix de lamantin.
J’ai toujours adoré les lamentins
Les "mamans aux enfants habillés en gaze de coton terre de sienne". T'es vraiment trop forte!