J’adorerais vous écrire encore depuis le pont de ce bateau merveilleux, auquel je pense encore si souvent. Mais ce voyage est bel et bien terminé, rangé dans la boite à souvenirs, celle qu’il est bon de ressortir quand les soirées d’hiver sont un peu tristounes.
La vie normale a repris, la bulle a éclaté. Les infos toujours plus anxiogènes et les interrogations, incessantes, sont revenues. J’envie ceux qui ont une religion. Je veux dire, un avis. Une religion aussi cela dit. Plus les années passent, moins j’en ai. D’avis. De religion aussi d’ailleurs. Je passe mon temps à lire sur Instagram des posts pro-palestiniens, qui me brisent le coeur bien sûr, puis je lis les commentaires, qui rappellent les horreurs du Hamas et qui déplorent le silence de la gauche sur le sujet. Et je me dis que bien sûr, c’est atroce, normal que les Israéliens se défendent et honte sur ceux qui détournent les yeux. Puis je passe sur un post pro-israélien et je lis les commentaires qui parlent de la riposte disproportionnée, de la colonisation contraire à tous les traités internationaux et je me dis qu’évidemment, c’est immonde, normal qu’il y ait tant de haine, le conflit n’a pas commencé le 7 octobre. Qui est dans le juste ? Sophia Aram ou Guillaume Meurice ?
Je suis incapable de trancher, d’être sûre de mon camp. Vous me direz qu’on est pas obligé d’avoir un camp et qu’après tout, mon avis ne changera pas la face du monde et c’est vous qui aurez raison. Parce que c’est bien de ça qu’il s’agit: avoir raison. Je crois que lorsqu’on a baigné comme ce fut mon cas dans une éducation catholique, on a du mal à se défaire de l’idée qu’il y a le bien et le mal, qu’à l’arrivée, on sera jugés et qu’il existe, quelque part, une entité que chacun appellera comme il le voudra, qui SAIT et qui est à même de trancher. Je crois que j’ai encore cette illusion, qu’il existe cette vérité. Tout en ne croyant plus du tout à cette entité que chez moi on appelait Dieu.
Il n’y a de vérité en rien, je le crains. Sur un sujet radicalement différent et vous me pardonnerez j’espère ce passage du coq à l’âne qui frise l’indécence, prenons cette histoire de régime. Que je continue, la volonté chevillée au corps, dopée par les endorphines que provoque l’amaigrissement. A chaque fois que la balance affiche quelques centaines de grammes en moins (oui bah faut pas rêver, ça se compte pas en kilos tous les deux jours), la satisfaction est la même. Y’a-t-il joie plus pure que d’entrer à nouveau dans un jean qu’on ne fermait pas ? Bah désolée mais personnellement je ne vois pas.
Mais ensuite, je me rappelle le discours de ce médecin qui m’a suivie pendant des mois, le fameux Zermati, qui conspuait la restriction. Et qui insistait sur l’inutilité des régimes, sur cette fatalité du yo-yo. Qui me mettait en garde justement, contre cette joie éprouvée à chaque kilo perdu. Puis je me remets en tête les paroles de ma diététicienne, qui me l’assure: bien géré, le déficit calorique fonctionne et on peut trouver un équilibre pérenne.
Qui a raison ? Est-ce qu’il vaut mieux laisser tomber l’espoir de changer de corps quand on a passé sa vie à perdre ce qu’on a repris ou inversement ? Ou est-ce que cette fois-ci sera la bonne ?
Qui a raison bordel ?
Est-ce moi quand - rarement - je tiens tête à un(e) producteur(ice) sur une de mes idées ? Ou celle qu’on me suggère à la place sera-t-elle meilleure ? Est-ce mon fils et ses rêves de salaire universel ou moi, dans ce rôle atroce de mère qui a abandonné sa gauche au croisement de son livret A et de son compte courant, et qui soupire qu’à un moment ou à un autre, il faut bosser, merde !
Qui a raison putain ? (à priori pas la police du langage)
Avec moi, souvent le dernier qui a parlé, malheureusement.
La question ne devrait pas se poser aussi souvent, peut-être devrais-je me concentrer sur le pourquoi. Pourquoi est-ce aussi important que quelqu’un ait raison ? Et le doute alors, n’est-il pas bien plus précieux ? (et hop, tribute to Anne Sylvestre).
Bref, novembre, quoi.
A part ça, j’ai regardé ces derniers temps des séries bien réjouissantes, que je vous conseille surtout si vous avez un accès illimité à du Xanax ensuite.
Sambre, sur France 2, qui raconte comment, pendant plus de 30 ans, un homme “comme tout le monde” a pu violer des dizaines de femmes, sans qu’on l’attrape. Tout ça parce que pour résumer, pas grand monde en avait quoi que ce soit à foutre. C’est extrêmement bien écrit, réalisé et joué. Je conseille.
Tout va bien, sur Disney, sur une famille qui se prend de plein fouet la leucémie d’une petite fille. Rarement vu quelque chose d’aussi brillant, fin et sensible. La maladie est un catalyseur mais n’y est pas vraiment centrale, ça parle de la place de chacun dans une fratrie, de la mort bien sûr, mais surtout de la vie et de l’amour, celui qu’on arrive pas à exprimer, celui qui est si fort qu’il empêche de pleurer, celui qu’on ne parvient pas à ressentir pour l’enfant de l’autre. Foncez.
Le documentaire sur Liliane Bettencourt sur Netflix. Qui vient anéantir le peu d’illusions qui restaient sur nos chers dirigeants. Et qui me fait un poil réviser mon jugement sur les théories anticapitalistes de mon fils.
Vous savez quoi ? Je crois que c’est lui qui a raison. Mais il peut toujours courir pour que je le lui dise.
Bonne semaine et pardon pour cette lettre pas des plus cohérentes. Je vous laisse je vais ressortir ma boite à souvenirs, c’est peut-être le bon moment.
PS: En vrai ça va hein.
Finalement les seules qui ont raison, ce sont les victimes qu'elles soient d'un côté ou de l'autre. Sur l'échelle de l'empathie il n'y en a pas qui méritent plus nos larmes que d'autres.
Les politiques et leur guéguerre m'exaspèrent. Vu d'ici on ne devrait pas avoir à choisir un camp (merci JJG) mais s'efforcer de soutenir les victimes et de limiter leur nombre. Oui bon je sais on ne gère pas le monde avec de bons sentiments tout ça tout ça. Mais si au moins nous qui ne gérons rien du tout nous pouvions éviter de nous étriper, nous insulter, de soulever nos communautés les unes contre les autres, ce serait déjà bien.
Et sinon dans le genre réjouissant, la série docu Netflix sur le 13 novembre est très très bien aussi.
Je me suis tellement reconnue dans tes mots, sur le fond comme sur les sujets abordés… merci ❤️