Une fois n’est pas coutume, cette lettre vous est écrite au beau milieu de la nuit, quelques heures à peine avant que vous la lisiez au petit matin. Tant qu’à ne pas dormir, hein...
C’est très étrange cette histoire d’insomnie. Une semaine sur deux environ, quand ça n’est pas plus, la nuit du dimanche au lundi est catastrophique. Impossible de m’endormir, je tourne et retourne, obsédée par mes pensées et / ou les ronflements intempestifs du churros. Si je veux être honnête (à 3h du matin, essayons de l’être, c’est maintenant ou jamais), ce ne sont pas ses ronflements qui m’empêchent de m’assoupir, mais disons que ça n’aide pas (euphémisme) (ou comment découvrir qu’on a en soi une manne insoupçonnée de violence) (il devrait y avoir une jurisprudence apnée du sommeil en cas de meurtre de son conjoint).
Bref, les grasses mat du dimanche + la gamberge sur la semaine à venir + la trachée molle du mari (ah parce que oui, c’est un ronflement qui vient de la gorge, vous l’avez ?) => insomnie sommeil cassé. En fait c’est pas du tout étrange, ça s’explique, quoi.
Généralement, alors même que je sais que c’est voué à l’échec, je pense toujours dans un premier temps que la meilleure solution consiste à attendre que ça vienne, quitte à faire la crêpe vingt-mille fois, à pousser le churros pour qu’il change de position, ou à taper névrotiquement du pied sur le matelas pour détourner mes pulsions meurtrières et qu’il se mette à nouveau sur le ventre. Puis, parce que rien de ça ne fonctionne, je commence à lire sur mon portable tout et n’importe quoi, au gré des pensées forcément irrationnelles qui m’assaillent en rafale.
Par exemple et je vous jure que c’est véridique, avant de descendre dans le salon et de vous écrire, je me suis passionnée sous ma couette pour le marché immobilier de Montpellier, après être tombée sur un article du Monde qui conseillait d’acheter au plus vite dans le centre historique. Ce qui m’a semblé absolument pertinent d’autant que qui dit insomnie dit aussi anxiété et que par conséquent il me paraissait assez urgent de trouver un plan B au cas où plus personne ne voudrait de moi dans mon métier vu que je suis nulle et que ça ne va pas tarder à se voir. Donc pourquoi pas la spéculation immobilière.
J’ai donc ouvert mon appli “Se Loger” et commencé à examiner toutes les offres de studios dans le quartier des Ecussons, en mettant de côté les appartements au diagnostic énergétique inférieur à C (parce qu’à priori ça rend la location compliquée à partir de 2024) (est-ce nécessaire de préciser que je n’ai AUCUNE raison valable d’acheter à Montpellier ?) (ni les moyens en réalité) (par contre honnêtement si quelqu’un a besoin que je le renseigne sur le prix au mètre carré j’ai quelques notions du coup).
Puis, comme le sommeil ne venait toujours pas, je suis partie sur Instagram (MAIS QUELLE EXCELLENTE IDÉE) et j’ai atterri, ne me demandez pas comment ni pourquoi (la réponse est simple, parce que j’y suis abonnée) sur la dernière publication de l’écurie Mercedes, qui prévenait ses fans que finalement Georges Russel n’était pas 3è du grand prix d’Arabie Saoudite mais 4è, suite à une erreur de la FIA. Non contente d’être en possession de cette information capitale, j’ai lu les 800 commentaires haineux d’amateurs de formule 1, dont la plupart ne se sont pas remis de la défaite de Lewis Hamilton en 2019 à Abou Dhabi, défaite l’ayant privé de son 8è titre de champion du monde. Honnêtement, vous avouer tout ça ne me soulage pas du tout, écrit noir sur blanc c’est encore plus inquiétant.
Pourtant très franchement, c’est plutôt une cuvée assez saine, parce que miraculeusement cette fois-ci mon insomnie ne s’est pas assortie d’une crise d’hypocondrie. Je ne compte pas les dimanche soir où j’ai tenté de m’autodiagnostiquer à la lueur de l’iPhone, comptant mes respirations par minute, vérifiant mon taux d’oxygène dans le sang (merci le Covid qui m’a permis en toute détente de me procurer un saturomètre en plus du tensiomètre et d’allonger la liste de mes angoisses par la même occasion) ou cherchant avec terreur ce que peuvent signifier ces démangeaisons nocturnes sous la plante des pieds (ça peut aller du simple eczéma au cancer du pancréas pour info).
Bref, bien que sachant parfaitement qu’une fois que c’est parti il n’y a plus rien à faire, je m’obstine à perdre du temps en invoquant le dieu du sommeil qui me fait un énorme doigt en me susurrant à l’oreille que je pourrais aller sur mon simulateur de retraite, “ça serait sympa de voir à quel âge tu vas pouvoir partir avec cette réforme de merde et comme ça tu pourras vérifier si le logiciel a bien enregistré toutes tes périodes d’activité” (spoiler alert: non).
Alors qu’en vérité, la seule solution, c’est de rendre les armes, de descendre dans le salon en faisant la joie des chats qui n’en reviennent généralement pas d’avoir un portier à 3h du mat et encore moins un rab de croquette en pleine nuit. Boire un truc chaud, tirer sur ma clope électronique, bouquiner ou dans ce cas précis, écrire une newsletter que je n’avais finalement pas commencée la veille pour (quelle bonne blague) me coucher tôt.
Lâcher prise. Faire taire la voix qui me rappelle à quel point je vais bien galérer demain. Me dire que ça n’est pas grave, que personne ne meurt d’une insomnie (penser à vérifier cette information quand même), et que la nuit prochaine sera merveilleuse (vrai, j’enchaine très rarement deux soirs de suite). Essayer de voir le côté positif des choses, apprécier ce silence unique, me sentir connectée aux âmes vagabondes qui comme la mienne tentent de trouver le chemin des bras de Morphée.
Généralement, après avoir capitulé, mes paupières s’alourdissent enfin, le flot de mes pensées se calme petit à petit et même les ronflements du churros s’assourdissent. Ma nuit peut commencer, quelques heures à peine avant que le réveil sonne. Le lundi passera dans un brouillard cotonneux, mais comme je ne sauve pas des vies, ça devrait passer relativement inaperçu. Et sur un malentendu, je pourrai participer à un débat sur l’avenir de Mercedes en Formule 1 ou le prix au mètre carré à Croix d’Argent (moins élevé qu’aux Ecussons à priori).
Allez, bonne journée.
Et ce moment où tu plonges dans le sommeil mais tu sursautes soudain complètement réveillée parce que c'est le moment où ton cerveau décide de t'envoyer l'info absolument essentielle que merde hier pour le dîner copains tu as complètement oublié de sortir le St nectaire !
Désolé pour cette nuit, ma chérie, et joyeux anniversaire (quand même)