Vous aussi ça tire un peu ? C’est étrange comme le corps et le cerveau, à quelques jours des vacances, commencent lentement à ralentir. Chaque année, j’ai la sensation d’arriver à la veille de Noël en roulant sur la jante.
Mais je crois que cette fois-ci, en dépit de tout ce qui peut ne pas aller exactement comme je le voudrais, je me sens un peu plus légère.
Littéralement.
J’avais dit que je n’en parlerais pas, mais les promesses n’engagent que ceux qui, bla bla bla.
Je ne vais d’ailleurs pas vraiment en parler, en tous cas du comment, parce qu’il est tristement banal en réalité, je suis dans une bonne vieille restriction alimentaire, juste assez supportable pour qu’elle ne m’obsède pas, mais suffisamment importante pour qu’elle soit efficace et donc malgré tout contraignante. Ce serait sacrément hypocrite de prétendre que “je n’y pense pas” et que tout se fait en détente. Mais ça serait mentir de vous dire que j’en chie quotidiennement. Je ne sais pas comment l’expliquer, il y a eu un énième déclic l’été dernier et je me suis mise en pilotage automatique, après dix années d’évitement de ma balance et du corps médical dans son ensemble.
Est-ce que ça sera comme pour toutes mes tentatives ? Est-ce que je viens de m’acheter un an ou deux d’euphorie à remettre des jeans qui ne m’allaient plus ? Est-ce que petit à petit, certains retourneront au fond des tiroirs, dans le purgatoire des vêtements trop petits ? Qui sait… (oui, bon, en vrai, y’a-t-il vraiment un suspense ?).
Il n’empêche que comme à chaque fois que je refais mon entrée dans le monde des gens qui ne sont pas obèses (youhou, encore 100g et je suis officiellement en surpoids, pour beaucoup c’est l’horreur, pour moi c’est équivalent d’un surclassement en business class), je réalise à quel point tout est plus facile.
On peut raconter ce qu’on veut, SE raconter ce qu’on veut, on peut essayer de se convaincre qu’on est très bien comme on est, la vérité c’est que marcher avec quinze bouteilles de lait en moins, c’est un émerveillement de chaque minute.
C’est un peu comme quand on quitte Paris pour quelques jours, on réalise à quel point la capitale est bruyante, polluée, stressante. Alors qu’on ne s’en rend pas compte au quotidien.
Et bien quand on est grosse, obèse, même, puisque c’est le terme médical qui s’appliquait à mon cas (et s’applique toujours à 100g près), on finit par penser que c’est normal. D’avoir envie de mourir face à un escalator en panne. De ne pas pouvoir mettre autre chose que des baskets. D’user tous ses pantalons à l’entrejambe. D’avoir les cuisses en sang l’été. D’être la relou qui geint au bout de dix minutes de marche en montée (bah ouais les potes, marrez-vous mais je porte un berger allemand sur le dos, en même temps). D’être fatiguée, tout le temps (en tous cas en ce qui me concerne) (je suis naturellement fatiguée, il faut le savoir). De se cogner plus que la moyenne, parce qu’on est forcément plus près des angles et des coins. D’avoir peur de prendre trop de place, partout. D’avoir l’impression que la baignoire a rétréci. De ne JAMAIS manger sans culpabilité ou crainte d’être jugée. D’éviter les miroirs, tout le temps. Et de parfois sursauter quand, par défaut de vigilance, on se retrouve en face de soi.
Je ne dis pas que la vie est plus belle, mais en fait, si, la vie est plus belle parce qu’elle est plus simple. Que les choses soient bien claires, je ne parle ni de séduction, ni de beauté, ni de valeur. Je ne me sens ni vraiment plus belle, ni vraiment plus désirable ou admirable. Je crois que je m’en fous même éperdument désormais.
Juste plus légère. Moins essoufflée. Au sens propre comme au figuré, je respire mieux.
Et cette ivresse évidemment me terrifie, parce qu’elle a si souvent été suivie d’une gueule de bois. Et qu’une fois qu’on a goûté à la business, c’est compliqué de repartir en classe éco, les genoux contre le menton et les bas de contention jusqu’aux fesses pour éviter la phlébite.
Alors je marche, pour habituer ce corps à se mouvoir à nouveau, lui donner envie de continuer, lui apprendre des plaisirs autres que ceux qu’il trouve dans les tablettes de chocolat. Je marche pour tromper le circuit de la récompense, pour ne pas y penser, pour tromper l’ennemi dans ma tête qui me chuchote parfois qu’on se taperait bien un flan non ?
Est-ce qu’à 50 ans on peut changer profondément ? Devenir cette personne qui se contente d’assouvir sa faim, qui s’accorde un écart sans que ça parte en compulsion, fait de l’exercice par plaisir et non par obligation ? Est-ce qu’on change vraiment, dans la durée ? Ou la vie n’est-elle qu’un éternel recommencement?
Qui sait… (toujours assez peu de suspense).
En attendant, je vous souhaite de belles fêtes, avec ou sans foie gras, avec ou sans déficit calorique, avec, surtout, de l’amour et de la joie. Je me souviens que sur le blog, je faisais une rétrospective, qui visait essentiellement à me féliciter de tout ce que j’avais accompli durant l’année. C’est amusant comme je ne suis plus très attachée à ces bilans. Est-ce que c’est parce que je n’ai plus besoin de me prouver que ça va, j’ai été une bonne élève ? Est-ce que mon narcissisme est parti avec les bouteilles de lait ? (ça m’étonnerait).
2023 a été une meilleure année que 2022 ou 2021. Je crois que ça me suffit, finalement. J’espère que c’est le cas pour vous aussi. Je nous souhaite d’aller vers la prochaine en laissant sur le bord de la route les valises qu’on se trimballe sans même s’en rendre compte. Qu’elles soient pondérales, sentimentales, professionnelles ou de toute autre nature. Quitte à les reprendre au retour. Parce que ces quelques kilomètres sans, c’est toujours ça de pris. Ou de perdu…
Bonjour Caroline
Ce post, je pourrais tellement l’avoir écrit si j’avais autant de talent que toi, tant il me ressemble.
Je te suis depuis des années, j’ai connu le changement de nom de ton blog, c’est dire 😉.
L’obésité c’est mon quotidien depuis plus de 40 ans. J’ai perdu et repris des centaines de kilos ( non, je n’exagère pas ) mais je pense avoir voulu les perdre pour des raisons qui n’étaient pas les bonnes : Plaire à un homme, être une « jolie » mariée, être enceinte sans me prendre des réflexions tout le temps par le monde Medical, retrouver l’amour après mon divorce, bref, rentrer dans le moule …
Le résultat a toujours été le même : reprise du poids perdu avec des intérêts de crédit renouvelable.
Souvent je me demande comment j’ai pu arriver à me faire autant souffrir ( grossir ) tant c’est difficile d’être en obésité morbide. Les déplacements, les avions ou les places sont tellement petites ( et l’horreur des rallonges de ceintures oranges pour te stigmatiser un peu plus ) , les restos dans lesquels tu dois dîner et où tu espères que les sièges sont sans accoudoirs, la difficulté de s’habiller sans se ruiner… la liste est longue
Depuis 2 ans, un déclic ! 2 mois en arrêt maladie suite à des douleurs invalidantes ne me permettant plus de travailler… et un inconscient qui m’aide à ne plus me flageler en grignotant ( de toute façon je n’arrivais plus à descendre à la cave pour chercher des douceurs ), et puis l’envie de me faire du bien, de prendre soin de moi et petit à petit voilà 60 kilos de perdus sans souffrance ( je me suis délesté de l’élevage entier de bergers allemands), en m’accordant des plaisirs sans excès et surtout sans culpabilité.
Le bonheur : aller marcher tous les jours, des grandes ballades avec les enfants dont je m’occupe, prendre l’avion sans rallonge, aller au sport 2 fois par semaine et apprécier ça, ne plus craindre les miroirs et les cabines d’essayages, remettre à leur place les médecins qui me disent de perdre du poids, aller au resto en me faisant plaisir et tellement d’autres choses !
Ma fierté c’est d’avoir réussi à obtenir un IMC qui me classe dans les obèses certes mais sans le délicieux adjectif « morbide » et la dernière remarque de ma fille de 21 ans qui m’a dit « Maman, tu te rends compte à quel point tu es courageuse, tu a perdu autant de poids que ce que je pèse ! C’est comme si tu avais accouché d’un adulte !.
En fait, je ne peux pas être certaine que je ne reprendrai pas de poids et c’est sans doute cela qui me fait le plus peur mais je me sens dans un mood différents des fois précédentes. Parce que cette fois je me fais du bien et je pense à moi et que, à 50 ans - 2 je me fous bien plus du regard des autres.
Tes posts sont une thérapie !
D’ailleurs je vous dois combien ? 😉
merci encore de traduire avec tant de justesse ce que nous semblons nombreuses à vivre.
encore une belle émotion à te lire ce matin