Long time no see…
Je dois vous l’avouer, j’ai envie de vous écrire depuis quelques jours déjà, mais j’appréhendais. Pourquoi ? Parce qu’à la faveur d’une recommandation sur Substack, beaucoup de nouveaux abonnés sont arrivés, un peu tous les jours. Des abonnés que je ne connais pas, qui ne me connaissent pas (je sais bien qu’en réalité je ne connaissais pas non plus très bien ceux qui étaient déjà là, mais malgré tout un peu, la grande majorité d’entre vous me suivent depuis le blog, vos pseudos ne me sont pas inconnus, nous avons échangé maintes fois, on se sait comme disent les ados). Et subitement, je me suis dit que ces gens s’étaient inscrits sans savoir vraiment pourquoi et allaient sans doute partir dès qu’ils comprendraient de quoi il en retourne, à savoir pas grand chose.
Ça n’est pas de la fausse modestie ou une grossière tentative d’être rassurée. Je veux dire par “pas grand chose” que je me contente de poser ici des réflexions qui ne vont souvent pas bien plus loin que le bout de mon nez ou de raconter en essayant d’être amusante ce qui m’est arrivé. Ce qui peut plaire aux vieux potes virtuels que les habitués sont devenus mais pas forcément aux inconnus, qui se foutent pas mal de savoir où en est ma ménopause (spoiler alert, généralement cette vieille bique ne va nulle part une fois qu’elle s’est installée) ou comment un costume rose m’a donné l’impression d’être une autre.
Bref, du coup j’ai fait un refus d’obstacle, juste parce que mon ego surdimensionné supporte assez mal la vexation. Et voir la courbe des abonnements chuter après cette publication est pile le genre de non événement qui peut néanmoins égratigner ma friable confiance en moi.
Ce long préambule pour vous dire que je me faisais la réflexion récemment que cette année qui s’achève a été parmi les meilleures sur le plan strictement personnel. Et que si je souhaite l’écrire, c’est évidemment pour pavoiser (à quoi sert une newsletter si ça n’est pas pour se palucher en se montrant sous son meilleur jour ?) mais aussi et surtout parce qu’il y a une dimension quasi militante dans cette affirmation, lorsqu’elle est proclamée par une femme de mon âge canonique.
Je crois à la nécessité de crier sur les toits que passé 50 ans, on peut se dire qu’on vient de vivre une de ses meilleures années. J’ai tellement redouté ce cap à force de lire qu’on devenait invisible, j’avais tellement intériorisé le fait qu’il faudrait désormais me contenter des miettes qu’on voudrait bien me donner, que j’avais quasiment abdiqué la veille de ce fameux anniversaire.
Invisible, je le suis peut-être mais – et c’est l’un des avantages de n’avoir jamais eu la sensation d’être très visible même à vingt ans -, ça ne me choque pas particulièrement, je ne remarque pas un changement fou. Et très honnêtement, plus qu’être vue, est-ce qu’on n’aspire pas surtout à être entendue ? Or de ce côté là, je me sens plutôt davantage écoutée qu’il y a quelques années (à savoir cette époque lointaine où je savais ce que c’était d’avoir froid et où le mot sécheresse ne me faisait pas immédiatement penser à un vagin) (allez, salut les nouveaux venus, c’était sympa).
Et puis cette invisibilité je la trouve en réalité reposante, voire source de liberté. Sans être devenue un exemple de sérénité et d’assurance, je sens tout de même que les accrocs de la vie glissent davantage (dit celle qui n’osait même pas écrire cette lettre de peur qu’on la trouve nulle) (oubliez tout ce que je viens d’écrire, la vérité c’est tout bonnement qu’à 53 ans ou à 32, quand on doute, on doute, rien ne change).
Une belle année, donc, faite de projets qui m’animent, de rencontres, de vacances d’ados, de Corse, de costume rose de Barbie, de fêtes à La Rochelle, d’amitiés qui se consolident ou se réinventent. Et je sais que je rabâche (mais ça au moins les nouveaux arrivants ne s’en sont pas encore rendu compte) (si ça se trouve ce sont les habitués qui vont se barrer) mais je crois que je dois une grande partie de ce bien être à la marche. Si je n’avais pas la flemme, je deviendrais une militante acharnée de cette activité gratuite et ne nécessitant aucun autre équipement qu’une bonne paire de baskets. Je ne suis pas de celles qui lisent des ouvrages de développement personnel, je n’arrive pas trop à tirer des enseignements au fil des années, je n’ai aucune certitude que telle ou telle routine (miracle morning, journaling et autres mots en ing) puisse réellement améliorer l’existence. Mais j’ai désormais une conviction chevillée au corps : marcher résout un nombre incommensurable de problèmes.
Physiquement déjà, évidemment, un corps en mouvement va mieux et c’est cette personne amoureuse de son canapé qui vous le dit. Mais ça ne s’arrête pas là. Il n’y a pas eu une fois, depuis ces 365 jours où je me suis adonnée sans exception à cette heure de déambulation quotidienne, où je ne me sois pas sentie mieux après qu’avant. Et croyez-moi, une fois sur deux j’ai envie de crever rien qu’à l’idée d’y aller.
Mais il y a quelque chose de magique qui se produit systématiquement. Un allègement, la sensation – réelle d’ailleurs, je crois que ça se démontre médicalement – que mon cerveau reçoit un shoot d’oxygène, l’apparition d’idées qui se refusaient à moi dans le fameux canapé, la mise à distance de ce qui cinq minutes avant me semblait être un problème majeur et insoluble, l’évanouissement de ma colère après un coup de fil professionnel désagréable, l’explosion en vol du petit vélo de l’angoisse qui pédalait jusqu’alors à une allure folle dans mon cerveau.
Si j’avais su (je le savais en réalité, mais ma paresse l’emportait) que c’était aussi bien, j’aurais commencé avant. Je sais bien qu’il doit y avoir plus efficace pour sculpter son corps, que la course est forcément meilleure pour le cœur, que ma façon de marcher n’a RIEN de sportive, mais j’ai enfin trouvé ce qui me convient. Et si je vous en fait à nouveau l’article c’est d’une part parce que visiblement j’ai un peu de mal à me renouveler mais aussi parce que je suis certaine que parmi vous, il y a des gens comme moi, qui ont toujours pensé que l’exercice physique était une marotte de sadiques et que de toute façon, “ça n’est pas pour eux”. Et peut-être que je peux évangéliser quelques un d’entre eux. Je suis sûre que si on marchait tous régulièrement, pour le plaisir de mettre un pied devant l’autre et de laisser nos pensées divaguer, le monde irait mieux. Allez-y, marrez-vous si vous voulez, mais je n’en démordrai pas. Marcher peut probablement résoudre un paquet de conflits. Et rappelez-vous que je m’y adonne dans un parc du 94, bordé d’un côté par l’autoroute, de l’autre par un complexe hospitalier spécialisé dans le cancer. Il y a de fortes chances que vous trouviez des itinéraires plus enthousiasmants. Peu importe le chemin, pourvu qu’il y ait un pas, puis un autre.
Voilà, comme chaque année depuis désormais plus d’une décennie, je profite de cette missive du mois de décembre pour vous dire que je vous souhaite le meilleur, et le meilleur en ce qui me concerne est de garder l’envie. Je vous remercie, aussi, d’être là, de vos mots, de vos commentaires, de tous ces petits cailloux que vous laissez et qui me donnent en réalité la sensation que nous faisons cette marche ensemble depuis bien longtemps.
43 ans, le mois dernier j'ai osé démissionner après 21 ans de boîte et accepter un poste dans un tout autre secteur, pour lequel je n'avais aucune formation préalable.
Alors vive l'auto-paluchage, vive les petits pas qui font avancer, et vive la sagesse de l'âge !
« Vieux potes virtuels » : meilleur compliment ever… ça m’a donné le sourire (qui était bien caché loin loin loin). Alors comme je suis quasi de la famille, je vais suivre vos conseils et tenter de marcher pour me re oxygéner le cerveau. Plein de bonheur pour cette fin d’année… signé une vieille pote !