La semaine dernière, j’avais pris rendez-vous avec un nouveau médecin, pour un renouvellement d’ordonnance. Le trouvant plutôt sympa - par rapport à mon officielle médecin traitante qui avant de me dire bonjour me dit que je suis trop grosse - je me risque à lui demander s’il serait possible de changer justement de médecin traitant et qu’il remplace l’autre dinguo, qui en plus d’être obnubilée par mon poids passe son temps à faire des métaphores de merde : “vous êtes sur la mauvaise autoroute, madame Franc, je vous le dis !” (Note de relecture: les phrases moins longues à priori c’est pas pour 2024).
Ce jeune docteur, plutôt timide jusque là, me répond que oui, pas de problème. Je m’étonne à haute voix de son accord aussi rapide, trouver un généraliste, qui plus est ok pour devenir officiellement le vôtre est aussi difficile aujourd’hui que de décrocher un bail sans garant à Paris. Il sourit et me dit qu’il ne faut pas croire, il ne dit pas oui à tout le monde.
Grand fou.
Il ne pouvait pas le savoir le pauvre mais il venait d’appuyer sur LE bouton. Celui qui active mon circuit préféré de la récompense. Qui vient combler ce puits sans fond de la peur du rejet et de l’abandon. I WAS THE ONE. BECAUSE I WORTH IT.
J’étais VALIDÉE.
Il aurait pu s’arrêter là et on serait tous repartis heureux, lui d’avoir pécho une nouvelle patiente adorable et moi d’avoir été choisie et peut-être même un peu chauffée (deuxième bouton).
Sauf qu’il a continué sur sa lancée. En m’expliquant que pour tenir le coup, oui, il s’arrogeait le droit de refuser des gens.
Les drogués et les alcooliques.
Soudainement la satisfaction fut moindre, on ne va pas se mentir. Je vais être honnête, pour mon égo, j’aurais préféré qu’il dise “les moches, les vieilles ou les grosses”. (oui c’est pas très joli mais j’ai utilisé la formule “je vais être honnête”, essayons de l’être pour une fois).
Plus sérieusement, mis à part le fait que ça rendait tout de même beaucoup moins glorieux d’avoir été intronisée, ce parti pris m’a un poil fait redescendre dans mon désir d’intégrer son cheptel. Premièrement qu’est-ce qu’il en savait de ma consommation d’alcool, voire de drogue ? Deuxièmement, qu’est-ce qui pouvait m’assurer qu’à l’avenir, ses critères de sélection n’allaient pas s’affiner ? (et que soudainement il ne voudrait plus des blondes à forte poitrine ?). Et puis qu’espérer d’un médecin qui fait ouvertement fi de son serment d’Hippocrate sans l’ombre d’un scrupule ?
Bref, comme je n’avais pas ma carte vitale - perdue depuis 2018 - il n’a pas pu faire le changement et on a convenu de reporter ça à ma prochaine visite.
Sur le chemin du retour, j’étais partagée, entre ce sentiment inavouable et pas très glorieux de satisfaction d’avoir été MALGRÉ TOUT choisie et la petite gêne aux entournures de cautionner ses pratiques en restant dans son giron maintenant que je savais.
Je vous ai déjà parlé de ça je crois, de ma soif permanente d’être adoubée, ce syndrome de première de la classe qui ne me quitte pas même maintenant que j’ai passé la quarantaine (quoi ?).
Comme la vie est une pute farceuse, elle m’a vite remise à ma place dès le lendemain. Dans une situation que je ne détaillerai pas pour respecter la confidentialité de mes activités professionnelles, pour le dire simplement, je me suis retrouvée… dans le camp des drogués et des alcooliques. Pas virée ou rejetée franchement, mais clairement pas VALIDÉE.
Ne vous attendez pas à ce qu’il y ait une chute ou une morale à cette histoire, ni même un lien entre ces deux histoires, j’avais juste envie de couiner un peu, en espérant que de le coucher sur le papier me débarrasse de ce sentiment poisseux qui me colle à la peau depuis. Celui d’être une merde.
Et qui me rend folle parce que - désolée je ne résiste pas à la tentation de redorer immédiatement ce blason que je viens d’écorner - travaillant sur plusieurs projets, je suis plutôt dans une période faste au boulot, qui devrait me permettre de digérer facilement les fois où c’est moins bien.
Mais non. Je n’ai retenu que ça. Tout le reste, qui mis bout à bout représente bien plus que CE moment, ne compte plus. Je lorgne sur l’annonce de la boulangerie d’à côté, qui trône sur le comptoir depuis deux ans et qui ma foi pourrait être un plan B pas si con - si on fait abstraction de ma lutte personnelle contre le diabète. Il aura suffi d’une réunion désagréable pour que le château de cartes de mon estime de moi s’effondre.
Ah elle est crédible la mère qui répète à ses enfants qu’une mauvaise note ne les définit pas, qu’un revers professionnel de fait pas d’eux des ratés, qu’un rejet amoureux ne veut pas dire que personne ne les aimera jamais. Elle peut repartir tranquillement sous sa couette, la grande pédagogue, la blogueuse en carton qui balance des voeux de bienveillance et de douceur avec soi et les autres, alors qu’elle est à deux doigts de rappeler le médecin anti-drogués pour lui dire qu’elle veut bien coucher avec lui. Juste pour rétablir l’équilibre et revenir dans le camp des validés.
Bref, je ne sais pas trop ce que vous pourrez tirer de tout ça, peut-être qu’à minima ça vous fera sentir moins minable que moi, ce qui en soi n’est déjà pas si mal.
Moi ça m’aura sans doute permis de mettre cette blessure narcissique à distance, en plus comme vous êtes généralement les meilleurs remonteurs de morale, il suffira d’un ou deux commentaires sur mon style inimitable pour me redonner un coup de boost (#fishing for compliments assez grossier mais foutez moi la paix, J’EN AI BESOIN).
Voilà, si c’est vrai que la première semaine de l’année (qui en réalité commençait le 8 janvier cette fois-ci) donne une indication de ce à quoi ressembleront les autres mois, je ne suis pas contre passer directement à 2025. Heureusement que je ne crois pas à ces conneries. (touche du bois).
Bonne année à tous, merci d’être là après tout ce temps, sachez que je chéris encore aujourd’hui ce voyage épistolaire depuis l’Egypte avec vous. Alors bien sûr, les fastes du Steamship Sudan n’y sont pas pour rien mais HONNÊTEMENT, savoir que vous attendiez la prochaine missive et lire vos petits mots depuis le pont de ce bateau a rendu ce périple magique. Et un petit coucou à B. et M qui m’ont retrouvée ici et qui ont eux aussi été le miel de cette croisière.
Moi je serais encore dans le bureau du docteur en lui disant que je suis d accord pour qu’il m’adopte et que si il veut je peux faire le ménage… donc tu vois y a pire :) N oublie pas que tu es la femme libre et aventureuse qui s est lancée dans ce qu elle aime en prenant tous les risques! En nous Montrant qu on peut se faire confiance et réussir! Tu veux m’adopter?
Alors ok pas confiance en toi sauf que ....je me précipite et stoppe toute activité en cours quand la notification d'un nouvel écrit de ta part arrive sur mon téléphone. Sauf que j'aimerais tellement savoir mettre les.mots justes sur la vie comme tu le fais. Sauf que j'adorerais être aussi ..... adorable que toi. Sauf que je reverais de te connaître dans la vraie vie.
Ça vaut ce que ça vaut hein. Mais voilà