Partir ou ne pas partir, c’était LA question qui me taraudait depuis deux semaines. Petit warning, ainsi que je l’ai dit sur Instagram où j’ai sollicité l’avis de ceux qui voulaient bien me le donner, je suis consciente à 1000% que tout ce dont je vais vous parler relève d’un problème de riche. Qui m’a quand même bien pris la tête.
Retour en arrière. Il y a un an, je réalise que le churros et moi sommes mariés depuis un paquet de temps et que nous avons la sale habitude de ne pas faire grand cas de cet anniversaire. Par ailleurs, Noël approche et l’envie de nous offrir ce voyage dont nous rêvons tous les deux fait son chemin. L’Egypte. Le Nil. Sur le bateau mythique qui hébergea Agatha Christie et sur lequel elle écrivit « Mort sur le Nil ».
Une blinde, mais une blinde que je peux me permettre après des mois de travail acharné.
Après pas mal d’hésitations (c’est vraiment une blinde), je me lance, me disant que c’est maintenant, qu’avec la précarité de mon métier rien ne garantit que j’aie à nouveau cette fenêtre de tir un jour. Et puis la vie n’a pas été toujours simple ces dernières années.
Le matin de Noël, le churros ouvre son cadeau, un livre de poche, « Mort sur le Nil » (une sacrée énigme). C’est peu dire qu’il a été heureux. Et c’est peu dire que nous comptions les jours depuis.
Sauf que le 7 octobre, il se passe cet atroce attentat en Israël. Suivi d’une atroce riposte à Gaza. Et là, mon envie a commencé à fondre comme neige au soleil. Peur d’aller au plus près de la zone la plus brûlante du moment. Peur de me sentir extrêmement coupable de jouer aux touristes à quelques centaines de kilomètres de toutes ces vies brisées. Peur, peur, peur. Culpabilité. Atermoiements, consultation de tout mon entourage. Et un churros qui lui, ne partageait pas mes appréhensions. Ou tout au moins pas au point d’envisager de tout annuler.
Je suis passée par toutes les étapes. J’ai épluché le contrat d’assurance pris justement pour parer à toute éventualité. Moralité: ne prenez pas ces contrats, ils ne vous protègent qu’en cas de mort subite et encore. Oui bien sûr j’ai envisagé le faux certificat médical, mais demander à mon frère de se parjurer pour mon petit confort m’a semblé un poil indécent (oui bon j’y ai pensé mais j’ai pas osé, il n’en peut déjà tellement plus de moi…). J’ai aussi imaginé porter plainte pour un vol de passeport, mais ensuite je me suis visualisée devant l’officier de police en train de mentir, tout en priant pour que personne n’aille vérifier mes dires sur les caméras de surveillance du métro où j’aurais prétendument subi ce vol à l’arrachée. C’est très vite parti en sucette, si ça se trouve, la description du pick-pocket allait correspondre à celle d’une vraie personne qui serait arrêtée par ma faute. Arrêtez-tout, c’est moi la délinquante, je mérite perpète.
Je ne voulais tellement pas partir, que je suis enfin allée faire ma prise de sang prescrite en juillet par mon frère justement et soigneusement oubliée parce que tant que je ne la faisais pas, le diabète que je redoutais n’existait pas. Et bien là j’y suis allée en espérant en avoir. Apparemment ça pouvait entrer dans les clauses de l’assurance. Est-ce que je suis bonne à enfermer ? Il faut croire que oui.
Bonne nouvelle: j’ai pas de diabète. Mauvaise nouvelle: j’ai toujours du cholestérol et ça bien sûr, l’assurance s’en contrefout. En somme, des résultats suffisamment bons pour que je sois décrétée apte au voyage mais suffisamment mauvais pour que je fasse une croix sur les pâtisseries arabes et autres délices du cru. Yeah.
Résignée à ne jamais revoir la couleur de mon argent en cas d’annulation, j’ai envoyé un message au churros un matin en lui proposant de partir avec quelqu’un d’autre, sa soeur par exemple. Réponse deux secondes plus tard: « ça va pas ? C’est avec toi ou personne ». J’ai bien fait de l’épouser. Trois heures plus tard: « J’appelle ma soeur du coup ? ». J’ai bien fait de l’épouser.
J’ai supplié l’agence, essayé de négocier un report, un avoir, un remboursement partiel. NADA. J’ai bombé le torse et rappelé qu’à un moment j’avais presque été influente. Rien à foutre.
Jusqu’au jour où le churros m’a dit qu’il ne m’en voulait pas, qu’il ne me forcerait pas, mais qu’au pire, lui avait décidé d’y aller seul. J’ai protesté, il n’en était pas question. Emu, il m’a promis qu’il ferait très attention. Je lui ai répondu que ça n’était pas les roquettes qui m’inquiétaient mais la présence éventuelle d’une femme mystérieuse et seule dont la chambre jouxterait la sienne. Ne pas sous estimer le charme envoutant des berges du Nil, quoi.
Il était beaucoup moins ému et n’a pas trouvé ça romantique du tout que j’aie davantage peur qu’il me trompe plutôt qu’il meure. Personnellement j’aurais été flattée mais bon. A chacun sa vision.
Bref, hier je suis finalement partie, après avoir décrété que je me réservais le droit de changer d’avis jusqu’au dernier moment. Dans l’avion, cet hypocrite de mari m’a dit que maintenant il pouvait me l’avouer, il était vraiment content que je sois là, il n’avait pas voulu me mettre la pression (bah voyons) mais sans moi ça aurait été moins bien (=> sa soeur pouvait pas).
Je ne sais pas trop ce que va donner ce séjour, je vous écris cette lettre depuis l’aéroport du Caire en attendant la correspondance pour Louxor. Je n’ai pas encore vraiment l’impression d’être au Moyen-Orient, les aéroports sont des endroits détachés de toute réalité et il est difficile de réaliser tant qu’on est à l’intérieur que l’on a changé de continent. Je me dis que je pourrais vous raconter, en toute sincérité, ce que je vois et ressens, dans ce berceau de l’humanité si proche hélas d’un cercueil à ciel ouvert. Peut-être que certains d’entre vous trouveront ça indécent et je les comprends, je vous rappelle que j’ai espéré avoir du diabète pour m’éviter ce dilemme. Peut-être que d’autres apprécieront de voyager un peu, comme au bon vieux temps du blog. Quant à moi, très égoïstement, ça me permettra de garder une trace des émotions qui s’annoncent forcément nombreuses et contradictoires.
Bons baisers du Caire
Très bon voyage!!!! (Dans la culpabilité t'as oublié l'empreinte carbone ;) ) Pour ma part je suis ravie que tu sois partie: je n'irai jamais sur le Nil et suis donc très impatiente de vivre des petits bouts de voyage par procuration.
Bonjour Caroline
Je te souhaite un très beau voyage …. Ne pas y aller n’aurait rien changer à la situation du moyen orient … Nous sommes de plus en plus entourés de cercueils à ciel ouvert, de pays monstrueux ou la vie humaine n’a plus de valeur ! Moi qui ne suis pas croyante j’en viens à me dire qu’il y a une chose que la religion a toujours comprise c’est que : l’homme est capable d’une autodestruction qui le conduira à son anéantissement… Bref le moral est bon !!! Donc profite bien de ce voyage tant rêvé de ces temples majestueux … À ton retour le monde n’aura pas changé mais j’en suis sûre vous aurez tous les deux des étoiles dans les yeux !